Appuyer les travailleurs irakiens du pétrole. L’UGEP depuis l’occupation

General Union of Oil Employees, GUOE, 18 octobre, 2005.

Traduit par Meissoon Azzaria, Objection de conscience

Mobilisant plus de 23 000 travailleurs dans l’industrie du pétrole et du gaz du Sud de l’Irak, l’Union générale des employés du pétrole (UGEP) lutte à la fois contre l’occupation américano-britannique et contre la privatisation corporative de l’industrie irakienne.

Le précurseur de l’UGEP est le Syndicat des compagnies pétrolières du Sud (SCPS), fondé en mai 2003 par des travailleurs militants de la Compagnie pétrolière du Sud. Ce syndicat ainsi que d’autres des provinces de Amara, Bassora et Nassiriyah se sont fusionnés pour former l’UGEP. Ce syndicat demeure techniquement illégal mais, selon le président Hassan Jumaa : « Ce sont les travailleurs qui nous donnent notre légitimité ».

Position sur l’occupation

« Tous les membres du syndicat ont le sentiment patriotique profond que les forces d’occupation doivent quitter le pays immédiatement, peu importe les conséquences. » Hassan Jumaa : « Seul un mercenaire tirant profit de l’occupation voudrait la voir se prolonger encore ».

Position sur la privatisation

« La privatisation des secteurs industriels et du pétrole constitue l’objectif de tous dans l’État/gouvernement irakien. Nous continuerons à nous opposer fermement au plan impérialiste qui voudrait céder la richesse irakienne au capitalisme international, empêchant ainsi le peuple irakien dépossédé d’en bénéficier. Nous avons choisi cette route pour la gloire de l’Irak, même si cela peut nous coûter la vie. Les Irakiens peuvent très bien gérer eux-mêmes leurs compagnies et leurs investissements. »

Position sur l’indépendance politique

« L’UGEP à Bassora est un syndicat indépendant, qui n’est pas liée dans la phase actuelle à une confédération de syndicats. »

Position sur l’ancien régime

Les membres du comité exécutif de l’UGEP, incluant le président, faisaient partie de l’opposition active à la dictature de Saddam Hussein, et plusieurs furent emprisonnés par l’ancien régime. Le syndicat mène une lutte incessante contre des gestionnaires loyaux au Baath, et s’opposent publiquement à leur présence dans des positions d’autorité, particulièrement dans l’industrie du pétrole.

L’UGEP a besoin de votre solidarité et votre support

Naftana (en arabe : « notre pétrole ») est le comité britannique de soutien de l’UGEP. Pour vous inscrire à la liste d’alerte courriel, envoyer un message à : naftana-subscribe@lists.riseup.net . Des courriels sont envoyés environ tous les mois, et informent les supporters au sujet des grèves et autres activités syndicales. Si vous nous faites parvenir votre numéro de téléphone cellulaire, nous vous inscrirons sur la liste des alertes urgentes, qui sert à mobiliser des protestations dans l’éventualité d’une attaque contre les membres de l’UGEP.

Voir aussi la page d’accueil du syndicat pour des mises à jour régulières d’informations : www.basraoilunion.org

L’UGEP DEPUIS L’OCCUPATION

Avril 2003 – Après l’invasion, des militants lancent le Syndicat de la Compagnie pétrolière du Sud (SCPS). Ils interdisent à la compagnie étasunienne Kellogg Brown and Root (KBR) d’entrer sur le terrain de la Compagnie pétrolière du Sud. Le SCPS a clairement exprimé sa position : KBR ‘fait partie de l’armée d’invasion et d’occupation’.

Juin 2003 – Grève à la raffinerie de pétrole de Bassora à Sheiba. Les travailleurs n’avaient pas été payés depuis l’invasion et l’occupation en mars. Humiliés par le fait de devoir se rapporter à KBR, 100 travailleurs militants ont bloqué la route devant la raffinerie et confronté les troupes britanniques pendant cinq heures. Les négociations avec les autorités britanniques ont permis aux travailleurs de gagner leurs salaires lors de cette journée.

Août 2003 – Une grève est tenue durant deux jours, avec un arrêt des exportations de pétrole. Les revendications des grévistes concernaient des salaires non payés. Cet étalage de force syndicale fut payant lors des négociations sur les échelles salariales. (voir ci-dessous).

Août 2003 – Les travailleurs de la Compagnie irakienne de forage ont réparé leur première plate-forme de forage à la fin de ce mois. Ils en ont reconstruit onze autres dans les mois suivants, faisant preuve d’ingéniosité et utilisant des pièces de rechange provenant des marchés locaux légaux et du marché noir. Les travailleurs du SCPS ont aussi entrepris de façon autonome la reconstruction du terminal en mer de Khor Al Omayeh; de la station de pompage de pétrole brut Lehees; de la station de pompage de pétrole brut North Rumeilla, de la compagnie de forage et de gaz.

Octobre 2003 – Suite aux protestations des travailleurs, les employés de la compagnie étasunienne KBR furent expulsés des lieux de travail et remplacés par de la main-d’œuvre irakienne.

Décembre 2003 – Le comité exécutif du SCPS ébauche sa propre échelle salariale pour les travailleurs, en réponse à l’échelle salariale émise par ‘l’Ordre 30’ de l’occupation, qui fut passé en septembre 2003. L’échelle du syndicat prend en considération l’augmentation des loyers et du prix de la nourriture et de l’essence. Les négociations se sont poursuivies avec le ministère du Pétrole après les menaces de grève générale du Syndicat. Les travailleurs étaient prêts à défendre leurs lieux de travail.

Janvier 2004 – Victoire! Tous les travailleurs du SCPS obtiennent des salaires plus élevés — le salaire minimum est maintenant de 102 000 dinars irakiens plutôt que 69 000. Deux niveaux entiers de l’échelle salariale imposés par l’occupation sont éliminés.

Février 2004 – Les travailleurs de la compagnie Bassora Pipeline ont posé des actions de grève le jour de la visite officielle du ministre du pétrole. Ils ont demandé que Hassan Jumaa négocie en leur nom. Les exportations furent arrêtées pour au moins quatre heures. Les travailleurs ont également demandé les mêmes salaires que les travailleurs de SOC.

Juin 2004 – Suite à une réunion des leaders syndicaux des neuf compagnies du secteur pétrolier du sud de l’Irak, l’Union générale des employés du pétrole (UGEP) est née. Elle comprend les travailleurs de la Compagnie de pétrole du Sud, la Compagnie de gaz du Sud, la Compagnie de raffinerie du Sud, la Compagnie irakienne de forage, la Compagnie de transport du pétrole, la Compagnie d’empaquetage du pétrole, la Compagnie de production de pétrole, la Compagnie des projets pétroliers et la Compagnie de Pipelines.

Juillet 2004 à mars 2005 – L’UGEP a continué à grandir, appuyant l’organisation d’autres syndicats, incluant le syndicat des travailleurs du port de Um Qasr. Les travailleurs ont également poursuivi la reconstruction de plates-formes de forage, d’équipement de port, de stations de pompage et de facilités pour les travailleurs.

Mars 2005 – Une tentative d’assassinat (avec une voiture piégée) vise Samir Yasin Sabbah, chef d’un local syndical affilié à l’UGEP dans la ville de Fao. Malgré les activités criminelles et l’hostilité de l’occupation et de l’ancien régime envers ses membres, l’UGEP poursuit son travail de mobilisation.

Mai 2005 – L’UGEP a tenu une conférence anti-privatisation historique à Bassora, à laquelle ont participé des centaines de syndicalistes locaux, en plus de délégués internationaux de US Labor Against War, Iraq Occupation Focus, PLATFORM et Jubilee Iraq. Des syndicats et des organisations pacifistes de la Corée à l’Argentine ont envoyé des messages de solidarité.

Juin 2005 – Une action de protestation est tenue à la raffinerie de pétrole de Bassora. La gérance est exclue du site par les travailleurs. Les revendications sont centrées sur l’allocation de terre pour les employés; de plus hauts salaires; l’abolition du 20% de revenus pétroliers présentement dirigé vers le ministère de la Défense; le réinvestissement d’une plus grande part des revenus pétroliers dans l’économie locale; la mise à pied des gestionnaires saddamistes et des figures du ministère du Pétrole.

Juillet 2005 – Les exportations de pétrole furent coupées pendant 24 heures après l’échec des négociations avec le Ministre du pétrole. Bien que les médias aient rapporté que cette grève appuyait le gouverneur de Bassora, l’UGEP insiste qu’elle agit en toute indépendance dans ses propres intérêts.