Nouveau rapport : Israël a systématiquement attaqué des travailleurs humanitaires
Et une mise à jour sur la détention du chirurgien de Gaza Khaled Alser
Par Schuyler Mitchell, Drop Site, 30 septembre 2024
Texte original en anglais / Original article in English – [Traduction : Dominique Peschard; révision : Martine Eloy]
Une enquête par le groupe de recherche en accès libre Forensic Architecture, en partenariat avec le programme Fault Lines (N.d.T. : Lignes de faille) de Al Jazeera, dévoile de nouvelles preuves comme quoi Israël attaque systématiquement et délibérément les travailleurs humanitaires et les lieux d’aide humanitaire à Gaza. Ces faits sont révélés dans un documentaire poignant de 25 minutes de Fault Lines intitulé « Affamer Gaza » (cliquez ici pour voir le documentaire).
Fault Lines a mené plus de vingt entrevues avec du personnel des Nations Unies, des travailleurs humanitaires et d’anciens fonctionnaires des États-Unis qui ont décrit les différents moyens employés par Israël pour restreindre l’entrée de l’aide à Gaza. Stacy Gilbert, une fonctionnaire qui a travaillé pour le Département d’État pendant plus de vingt ans, a démissionné en mai après que l’administration Biden ait rendu public un rapport qui disait qu’Israël ne bloquait pas l’aide humanitaire. Dans une longue entrevue avec l’équipe de Fault Lines, elle a décrié cette affirmation comme étant « manifestement et absolument fausse ».
Lorsque l’aide humanitaire réussit à entrer à Gaza, Israël crée aussi des obstacles mortels pour les civils qui en ont besoin. Les données examinées par Forensic Architecture et Fault Lines ont mis à jour plus de 40 attaques d’Israël contre des gens cherchant de l’aide, ainsi que des attaques contre des infrastructures essentielles à la distribution de nourriture et de médicaments, y inclus des écoles et des boulangeries.
« À mesure que nous examinions ces attaques, nous nous sommes rendu compte qu’elles étaient de nature systématique et non pas arbitraires », Peter Polack, recherchiste à Forensic Architecture, a déclaré à Fault Lines.
Les chercheurs ont géolocalisé et cartographié des vidéos de palestinien.ne.s à Gaza qui avaient été ciblés dans des circonstances similaires. Ils ont trouvé que ces attaques étaient concentrées dans des lieux où des civils se réunissaient pour recevoir de l’aide. D’après les chercheurs, la nature systématique de ces attaques militaires indiquait qu’elles étaient intentionnelles.
Forensic Architecture a également documenté 16 attaques contre des boulangeries entre octobre et novembre 2023, y inclus contre des endroits où des civils étaient en file pour recevoir du pain, ainsi que la destruction de plus de 100 abris qui servaient à distribuer de l’aide humanitaire en seulement trois mois. Au début de 2024, Israël a commencé à attaquer les fonctionnaires et les policiers qui escortaient les convois humanitaires, entrainant une suspension temporaire du Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies, le PAM.
« Quand de la farine est distribuée aux boulangeries, les boulangeries sont ciblées. Quand de l’aide commence à être distribuée dans des écoles, les écoles deviennent des cibles » selon la chercheure Júlia Nueno Guitart.
En travaillant avec des journalistes à Gaza, l’équipe du documentaire de Fault Lines a pu donner un aperçu unique des impacts concrets et troublants de la décision d’Israël de bloquer l’aide humanitaire entrainant ainsi une des pires famines d’origine humaine du vingt-et-unième siècle. Dès les premières minutes du documentaire « Starving Gaza », on nous présente des images d’enfants mourant de malnutrition.
« Il n’y a pas eu de formule disponible pendant dix jours. Il n’y en avait plus du tout. Alors mon fils a souffert de déshydratation sévère, » a raconté une mère à Fault Lines. « Je n’ai jamais été aussi inquiète de toute ma vie. » Le film montre son bébé branché à des tubes et des fils tandis qu’un médecin tente désespérément de le réanimer. Elle regarde son enfant mourir. Au moins 32 personnes, dont 28 enfants, sont morts de malnutrition à Gaza depuis octobre 2023. De plus, selon une déclaration de l’UNRWA (NDLR : datant de juin 2024), 50 000 enfants souffrant de malnutrition ont besoin d’attention médicale immédiate.
Comme Gilbert a dit à Fault Lines, « On ne devrait pas s’habituer à ça. On devrait rejeter ce génocide, cette tragédie quotidienne. »