Lettre ouverte du 27 juin 2022: Pour la paix : exigeons que le Canada se retire de l’OTAN – version courte

Le texte qui suit a été publié par le journal Le Devoir, le 27 juin 2022, à l’occasion du Sommet de l’OTAN à Madrid.

Il est signé par le comité porte-parole du Collectif Échec à la guerre, ainsi que par les parrains et marraines de la campagne 2021 du coquelicot blanc.

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Il s’agit d’un version écourtée de la version intégrale du texte, disponible sur ce site web.

Pour la paix : exigeons que le Canada se retire de l’OTAN

(version abrégée publiée dans Le Devoir du 27 juin 2022)

Les 29 et 30 juin prochains, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) tiendra un Sommet à Madrid. « Communauté de valeurs unique en son genre, attachée aux principes de la liberté individuelle, de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit », l’OTAN présente « son rôle unique et essentiel » comme étant de garantir la défense et la sécurité de ses pays membres (Concept stratégique, 2010). Mais cette Organisation est-elle vraiment ce qu’elle prétend être et sa consolidation peut-elle nous apporter paix et sécurité?

L’OTAN : instrument hégémonique des États-Unis

De 1949 à 1989, se présentant comme un rempart du monde libre face à la menace du communisme, l’OTAN a d’abord et avant tout été un instrument d’intégration de l’Europe occidentale à la stratégie mondiale de Guerre froide des États-Unis contre l’URSS. Puis, après la dissolution de l’URSS, les États-Unis ont cherché à maintenir cette intégration de l’Europe de l’Ouest à leur nouvelle stratégie mondiale et l’ont étendue aux pays d’Europe de l’Est et même à certaines des républiques soviétiques. Cette expansion de l’OTAN jusqu’à ses portes représente, pour la Russie, une menace sécuritaire indéniable qui a été un des facteurs déterminants de l’actuelle guerre en Ukraine.

Au cours des 30 dernières années, le terrain d’action de l’OTAN est passé de l’Atlantique nord au monde entier. Dès 2007, Daniel Fried, Secrétaire d’État adjoint (étasunien) aux affaires européennes et eurasiennes, disait : « l’OTAN s’est transformée en une organisation transatlantique effectuant des missions globales, de portée globale avec des partenaires globaux (…). Tout appartient potentiellement à la zone de l’OTAN ».

Une alliance guerrière

Bien loin de n’être qu’une alliance défensive, l’OTAN a été à l’origine de deux guerres : la guerre du Kosovo (1999) et la guerre en Afghanistan (2001-2021). En 2011, l’OTAN a aussi lancé une guerre contre la Libye, qui a plongé le pays dans le chaos jusqu’à aujourd’hui. Et c’est sans compter les guerres en Irak et en Syrie auxquelles un grand nombre de pays de l’OTAN se sont empressés de participer.

En 2021, les dépenses militaires des membres de l’OTAN (30 pays) ont représenté plus de la moitié du total mondial qui s’est élevé à 2 113 milliards de dollars US. À elles seules, les dépenses militaires des États-Unis ont constitué 38 % des dépenses mondiales, soit plus que le total combiné des neuf autres pays en tête de liste, incluant la Chine (14 %) et la Russie (3,1 %). En ce qui concerne le commerce mondial des armes, pour la période de 2016 à 2020, six des dix principaux pays exportateurs sont des membres de l’OTAN, totalisant près de 60 % des ventes.

L’OTAN, la démocratie et les droits de la personne

Un survol historique rapide suffit pour constater que l’attachement de l’OTAN – et de leur chef de file, les États-Unis – envers la démocratie et les droits de la personne relève d’une propagande entretenue plus que de la réalité. Dès 1949, l’OTAN a inclus le Portugal, où sévissait la dictature de Salazar, parmi ses membres fondateurs. Dans de très nombreux pays, la lutte contre le communisme a simplement servi de prétexte pour empêcher par tous les moyens les courant politiques de gauche d’accéder au pouvoir. Ainsi en est-il de la dictature des colonels en Grèce, qui n’a aucunement remis en question la participation du pays à l’OTAN. Et de toutes ces dictatures militaires en Amérique latine (Paraguay, Guatemala, Nicaragua, Bolivie, Brésil, Honduras, Chili, Uruguay, Argentine, Salvador, etc.) que les États-Unis ont soutenues et même installées au pouvoir  dans les années 1960, 1970 et 1980.

Au cours des dernières années, on peut aussi vérifier le vide de cet attachement à la démocratie et aux droits de la personne, notamment dans leur collaboration étroite avec des seigneurs de guerre en Afghanistan ou des modérés affiliés à Al Qaïda en Syrie, et dans leur pratique systématique de la torture contre le terrorisme à Guantanamo Bay, Abu Ghraib (Irak), Bagram (Afghanistan) et dans les nombreux sites secrets de la CIA.

Politique nucléaire indéfendable et suicidaire

L’OTAN a beau affirmer vouloir « créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires », cela sonne bien creux quand son ‘Concept stratégique’ affirme par ailleurs que la « garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ». De quel droit peut-on alors vouloir empêcher les autres pays de se doter eux aussi de cette garantie suprême? Et comment une menace d’anéantissement de l’humanité assure-t-elle notre sécurité?

Le 22 janvier 2021, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est entré en vigueur. Suivant le mot d’ordre des États-Unis, aucun des 30 pays membres de l’OTAN ne l’a signé.

Le Canada et l’OTAN

Le Canada, proche allié des États-Unis au sein de l’OTAN, y joue un rôle significatif, par sa participation aux guerres, ses rôles de commandement à divers égards et son appui à la politique nucléaire de l’OTAN. Dans la guerre actuelle en Ukraine et la crise qui l’a précédée, le Canada a été un des pays qui – avec les États-Unis et le Royaume-Uni – ont préféré la confrontation à la négociation : insistance pour que l’Ukraine et la Géorgie soient admises à l’OTAN, direction du « Groupement tactique de la présence avancée  renforcée » de l’OTAN en Lettonie (aux portes mêmes de la Russie), déclarations fracassantes à l’effet que l’agression de l’Ukraine représente une menace pour le monde entier et donne lieu à un génocide… Il n’y a vraiment rien là-dedans pour encourager les voies diplomatiques.

Le Sommet à venir et notre avenir

Lors du Sommet de l’OTAN des 29 et 30 juin prochains, on aura droit, à nouveau, à la détermination proclamée de l’alliance à protéger la démocratie et l’État de droit et à l’annonce de l’adhésion accélérée de la Finlande et de la Suède. Les États-Unis qui ont déjà, depuis 2018, remplacé la guerre contre le terrorisme comme axe principal de leur stratégie de défense par la compétition stratégique avec la Chine (surtout) et la Russie, verront enfin l’OTAN – y compris les récalcitrants qu’étaient jusqu’à récemment l’Allemagne et la France – leur emboîter le pas.

La logique simpliste opposant les bons (Occidentaux) aux méchants (Chinois et Russes), voudrait nous voir resserrer les rangs derrière l’OTAN. Mais comment cela peut-il vraiment être garant de notre sécurité? Quand l’OTAN est dominée par les États-Unis, un pays dont l’hégémonie mondiale est contestée, mais surtout – et c’est ce qui devrait nous inquiéter – un pays qui est prêt à tout pour  préserver son hégémonie, allant même jusqu’à déclarer que « si la dissuasion échoue », son armée « est prête à gagner ». Comment l’exacerbation des conflits, une nouvelle course aux armements, la modernisation des arsenaux nucléaires et le maintien du Canada dans l’OTAN peuvent-ils nous assurer sécurité et paix?

Le comité porte-parole du Collectif Échec à la guerre :

Judith Berlyn

Martine Eloy

Raymond Legault

Suzanne Loiselle

Les parrains et marraines de la campagne 2021 du coquelicot blanc :

François Avard

Ariane Émond

Martin Forgues

Jacques Goldstyn (alias Boris)

Christian Vanasse