Lettre de Réjean Parent du 10 novembre 2017 : Histoire de coquelicot

Histoire de coquelicot

Extrait de http://www.journaldemontreal.com/2017/11/10/histoire-de-coquelicot

Si le 11 novembre a été décrété jour du Souvenir et que le port du coquelicot rouge son symbole dans les pays du Commonwealth, il faudrait éviter de s’embrouiller la mémoire et on comprendrait mieux le sens du coquelicot blanc promu par le Collectif Échec à la guerre. Loin de moi l’idée de prendre la défense de Gabriel Nadeau-Dubois qui s’est attiré les foudres d’un caporal à la retraite, en portant le coquelicot blanc sur le coquelicot rouge dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, car il est assez grand pour le faire lui-même. Le ton péremptoire du caporal interpelait d’autre part tout citoyen critique d’une militarisation magnifiée.

Dans sa lettre ouverte au député, le caporal Proulx lui reproche de se comporter en individualiste qui manque de reconnaissance envers ceux qui ont servi la collectivité en allant au front et qui lui permettent de vivre en homme libre aujourd’hui. Il est aussi insulté que le parlementaire porte un coquelicot blanc sur le rouge en pleine période de commémoration des militaires tombés au combat comme s’il fallait demeurer de glace le 11 novembre face à la disparition des millions de civils emportés par les guerres. Le militaire retraité fait erreur en l’affublant d’un comportement individualiste, je reprocherais plutôt  aux députés de Québec solidaire de trop embrasser en voulant porter le rouge et le blanc comme s’il s’efforçait deplaire à tout le monde au lieu de rappeler les pertes de vie inutiles dans des guerres qui n’avaient rien à voir avec la défense de nos libertés.

Je comprends que les militaires et les gouvernements qui les ont envoyés au front, veuillent donner un sens positif à tout ce déploiement et magnifier la mort des soldats en faisant d’eux des héros. Je suis moi-même bien triste pour ces jeunesses fauchées dans des batailles qui n’avaient rien à voir avec la défense de nos libertés. Nous ne devons cependant pas perdre de vue que la guerre de 14-18 était avant tout un affrontement entre puissances impériales qui veillaient à protéger leur sphère d’influence beaucoup plus que nos libertés. L’expédition de soldats canadiens en Afghanistan est dans la même veine alors qu’elle servait avant tout à soutenir les États-Unis et leurs ambitions énergétiques bien en avant de la protection de nos libertés démocratiques.

Les militaires ont le droit de pleurer leurs morts et de s’attendre à la compassion de la nation. On ne saurait leur en vouloir d’être fiers de ce qu’ils ont accompli, mais on ne s’empêchera pas de pester contre les gouvernements qui les ont sacrifiés au nom de relations diplomatiques quelques fois occultes. Le coquelicot blanc est un judicieux compromis soutenu par le Collectif Échec à la guerre qui permet à la fois de s’émouvoir et de se rappeler toutes ces vies décimées par les guerres tout en se refusant à magnifier la militarisation et en appelant à une paix universelle.

En prime, se délester du coquelicot rouge c’est aussi se décoloniser un peu en faisant un pied de nez à l’empire Britannique, berceau du Commonwealth.