Allocution de Raymond Legault
Nous sommes ici parce que nous sommes convaincus qu’il faut mettre un terme à la guerre en Ukraine. Nous appelons à un cessez-le-feu et à des négociations sérieuses immédiatement.
Comme notre bannière l’indique, nous disons NON à l’invasion de la Russie et nous disons également NON à l’encerclement de la Russie par l’OTAN. Il est dans l’intérêt de l’Ukraine, de la Russie, de l’Europe et du monde entier que cette guerre prenne fin le plus rapidement possible, avant qu’elle ne dégénère en troisième guerre mondiale. Et pour y mettre fin, les intérêts de tous les côtés devront être pris en considération pour trouver un compromis qui soit acceptable pour toutes les parties. Le Canada ne
travaille pas du tout dans ce sens. Et c’est que nous dénonçons ici aujourd’hui. C’est que nous voulons voir changer. C’est le terrain sur lequel nous pouvons et nous devons agir.
Le Canada est partie prenante de l’escalade rapide de cette guerre.
Comme beaucoup de pays membres de l’OTAN, il n’a d’abord fourni à l’Ukraine – ouvertement en tout cas – que des armes non létales, pour ensuite lui fournir artillerie et munitions, puis armes anti-char et antiaériennes, puis chars lourds Léopard 2. Hier, le Canada a annoncé l’envoi de quatre chars Léopard 2 de plus, portant le total à huit. Cela s’ajoute aux 5,2 milliards de dollars de contributions à cette guerre que le Canada a faites depuis un an.
Le Canada accélère présentement son virage militariste. Il a annoncé l’an dernier que ses dépenses militaires passeront de 36 milliards $ cette année, à 51 milliards dans 4 ans. Le mois dernier, il a finalisé l’acquisition de 88 avions de combat F-35 pour un coût total estimé de 70 milliards. Tout ça dans un contexte où le président du Comité militaire de l’OTAN, le lieutenant-amiral Rob Bauer, invite carrément les membres de l’OTAN à passer à une économie de guerre et affirme que l’OTAN est « prête à un affrontement direct » avec la Russie! La seule évocation d’un tel scénario entre des pays détenant ensemble près de 94 % de l’arsenal nucléaire mondial est d’une inconscience totale et pourtant aucun grand média ne s’en est alarmé!
Le Canada est l’un des plus ardents porte-parole d’une véritable propagande de guerre
Tout comme les États-Unis, le gouvernement canadien – et les partis d’opposition d’ailleurs – véhicule un discours simpliste et trompeur. On nous dit que l’Ukraine se bat pour l’Europe et le monde entier, en défendant la démocratie contre l’autocratie. Que la Russie n’a aucune préoccupation sécuritaire légitime face à l’expansion de l’OTAN jusqu’à ses frontières. Que tout se résume aux ambitions d’une personne, le dictateur Poutine, de recréer l’URSS. C’est ce qui l’aurait conduit à une agression « non provoquée », violant l’ordre international « basé sur des règles » et commettant les pires crimes de guerre.
Soyons clairs. L’invasion de la Russie en Ukraine est illégale et indéfendable; mais elle a été précédée de nombreuses provocations. Des crimes de guerres sont commis en Ukraine des deux côtés. Les accusateurs occidentaux vertueux d’aujourd’hui ont été responsables des mêmes violations, ou pires, dans leurs guerres au Kosovo, en Irak, en Afghanistan, en Libye et ailleurs. Et bien avant la Russie en Ukraine, ils ont invoqué des motifs humanitaires pour justifier ces guerres d’expansion.
Mais la propagande fait fi de tout ça et on nous la ressert ad nauseam. Le Premier ministre Trudeau a encore répété hier que Vladimir Poutine « voulait menacer et fragiliser l’OTAN et les démocraties autour du monde » et qu’il était dangereux, lâche et faible. Quelle analyse! Il y a une dizaine de jours, lors de la visite en Ukraine de la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, le communiqué de presse officiel indiquait que « la ministre Joly a discuté des moyens par lesquels le Canada peut bien soutenir l’Ukraine pour que le pays soit en position de force pour poursuivre la paix ». ‘Poursuivre la guerre’ devient maintenant ‘poursuivre la paix’!
Comme les États-Unis, le Canada travaille plutôt à prolonger cette guerre.
Les États-Unis ont rapidement reconnu qu’à travers leur soutien à l’Ukraine, ce qu’ils visent c’est l’affaiblissement de la Russie. Un objectif qu’ils poursuivent depuis longtemps, comme en témoignent l’encerclement graduel de la Russie par l’OTAN, leurs missiles déployés en Roumanie et en Pologne, leur ingérence et leur appui au renversement d’un gouvernement démocratiquement élu en Ukraine en 2014, les sanctions imposées sous la présidence Trump contre le projet de construction du pipeline Nord Stream 2, puis le sabotage de ce pipeline qu’un reportage récent du journaliste d’enquête Seymour Hersh leur impute et qui constitue un véritable acte de guerre entre pays. Et l’on sait que les États-Unis n’ont démontré aucun intérêt à des négociations avec la Russie. Ni avant l’invasion de l’Ukraine lorsque la Russie avait proposé deux projets de traité – un avec l’OTAN et un avec les États-Unis. Ni dans les premières semaines de la guerre, lorsqu’ils ont bloqué les négociations qui s’entamaient et qu’ils insistaient déjà pour dire que la guerre serait longue!
Le Canada a participé de plein pied à la politique d’encerclement de l’OTAN. Il s’est lui aussi ingéré dans les affaires internes de l’Ukraine en 2014 aux côtés des États-Unis. Et il ne manifeste, comme eux, aucun intérêt à ce que s’engagent des négociations. Au contraire, il continue à jeter de l’huile sur le feu!
L’urgence d’une solution négociée
Poursuivre la guerre en Ukraine, pendant encore des mois, voire des années, c’est amplifier l’horreur, la destruction et la haine, pour risquer de n’aboutir qu’à la partition du pays. Poursuivre et accroître l’implication de l’OTAN dans cette guerre, c’est s’enfoncer dans la voie de la militarisation de nos sociétés, nous détournant de la lutte contre le réchauffement climatique, les injustices et l’exclusion croissantes ici et dans le monde.
Nous appelons donc à un cessez-le-feu et à des négociations immédiates visant une réponse mutuellement acceptable aux enjeux sécuritaires de l’Ukraine et de la Russie, et une voie de résolution à la guerre civile qui oppose, depuis 2014, le gouvernement de Kiev aux deux républiques autoproclamées du Donbass. Des négociations doivent aussi s’engager entre les États-Unis et la Russie pour établir de nouveaux traités de désarmement nucléaire.
Malgré toute la propagande dont on nous inonde, il y a des indices que la population canadienne est loin d’appuyer unanimement les politiques du gouvernement. Un sondage Angus Reid, dont les résultats ont été publiés il y a trois jours, révèle que 23 % de la population considèrent justement qu’il est temps de négocier. En ce moment, seulement 37 % de la population appuie l’envoi d’armes létales à l’Ukraine, une baisse de 11 % par rapport au début de la guerre.
Certains nous servent encore le dicton « quand on veut la paix, on prépare la guerre ». Nous leur répondons que depuis la création et la prolifération des armes nucléaires, c’est maintenant notre disparition que nous préparons ainsi. L’humanité ne peut se permettre une troisième guerre mondiale. C’est le temps de négocier pendant c’est encore possible.
Raymond Legault, co-porte-parole du Collectif Échec à la guerre, 25 février 2023
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