En dépit des craintes portant sur des crimes de guerre au Yémen, Raytheon empoche un contrat de 1,6 milliard de dollars de vente d’armes aux Émirats arabes unis

En dépit des craintes portant sur des crimes de guerre au Yémen, Raytheon empoche un contrat de 1,6 milliard de dollars de vente d’armes aux Émirats arabes unis

L’annonce survient alors que le Sénat doit bientôt voter une résolution visant à mettre fin à la complicité des É.U. dans la guerre au Yémen.

Un article de Andrea Germanos, Common Dreams, 18 février 2019

Texte original en anglais – [Adaptation en français : Geneviève Manceaux; révision : Échec à la guerre]

Les Émirats arabes unis viennent de débourser des milliards en contrats afin d’obtenir de nouveaux armements de Raytheon, l’un des plus importants fournisseurs du Pentagone, cela une semaine après qu’une enquête d’Amnistie internationale est allée jusqu’à impliquer la nation du Golfe dans des crimes de guerre pour avoir relayé des armes en provenance de l’Occident à des groupes de miliciens irresponsables, aggravant ainsi la crise humanitaire et intensifiant le carnage dans le Yémen ravagé par la guerre.

Selon Patrick Wilcken, chercheur d’Amnistie Internationale sur le contrôle des armements et les droits de la personne, « le massacre de civils en cours au Yémen – qui leur est infligé non seulement par la Coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, mais aussi par les milices soutenues par celle-ci – devrait inciter tous les États fournisseurs d’armes à faire une sérieuse pause, les armes en question étant remises à des miliciens non imputables et réputés être les auteurs de crimes de guerre.  Les forces des Émirats reçoivent l’équivalent de milliards de dollars en armes d’États de l’Occident et d’ailleurs avec, pour seule fin de les relayer aux milices présentes au Yémen, lesquelles n’ont à répondre de leurs actes devant personne et sont connues pour commettre des crimes de guerre. »

L’organisme de défense des droits de la personne, qui lance un appel en faveur d’un arrêt des livraisons de toutes formes d’armement à la Coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, signale aussi que « ces derniers ont piloté l’offensive terrestre », dans le conflit déclaré en 2015 qui a, selon certaines estimations, tué plus de 60 000 Yéménites, en a déraciné des millions et a amené des millions de plus au bord de la famine.

« L’empreinte des É.-U. se retrouve partout dans la guerre aérienne au Yémen », écrivait récemment le New York Times, en pointant l’importance de leurs ventes d’armes et des renseignements fournis. Mais une nouvelle législation, inspirée des accusations de crimes de guerre commis par toutes les parties durant le conflit, de l’augmentation des décès de civils et de la dévastation des infrastructures, apporte l’espoir de mettre un terme au soutien étasunien à la guerre. John Harris, P.D.G. de Raytheon International, a quant à lui éludé la critique à laquelle fait face son industrie, en déclarant sur les ondes de CNBC ce week-end : « Nous n’établissons pas les politiques. »

Ainsi se poursuivent les lucratives ententes.

L’Agence France-Presse rapporte aujourd’hui que :

  • les Émirats arabes unis ont, selon leurs médias nationaux, annoncé ce lundi avoir signé des contrats d’une valeur de plus d’1,6 milliard de dollars pour l’achat de lanceurs de missiles Patriot au géant américain des ventes d’armement Raytheon ;
  • la signature des contrats effectuée au deuxième jour d’une exposition militaire internationale à Abu Dhabi, survient le lendemain de l’annonce par les Émirats arabes unis qu’ils achèteraient à la firme Raytheon des missiles Patriot pour une valeur de 353 millions de dollars ;
  • selon une déclaration de l’agence de nouvelles WAM sous contrôle de l’État, lors de l’exposition, qui doit se terminer jeudi, l’équivalent de 3,2 milliards de dollars en contrats ont été signés entre le riche état pétrolier et des sociétés occidentales.

Le nouveau rapport d’Amnistie, « When arms go astray », jette la lumière sur ce qu’il advient d’au moins quelques-unes des armes que les Émirats reçoivent de leurs partenaires de l’Ouest :

  • alors que la Chine, les É.U., le Royaume-Uni, la France et d’autres États européens sont la cible de justes critiques pour avoir fourni des armes aux forces de la Coalition et que l’Iran s’est vu impliquer dans l’envoi d’armes aux Houthis, une nouvelle menace fait son apparition : avec l’évolution de la guerre terrestre, les armes ne sont pas utilisées que par les forces des Émirats au Yémen, elles sont aussi relayées à une coalition alliée de milices non imputables, dont certaines font l’objet d’accusations de crimes de guerre.

Ce rapport renvoie également à une publication antérieure révélant que les Émirats procèdent à l’entraînement de milices yéménites gestionnaires de lieux de détention secrets dits « black sites », où se produisent « un éventail d’abus choquants ».

Étant donné l’envergure des abus et l’ampleur de la catastrophe, certains législateurs étasuniens tentent de freiner l’engagement de leur pays. Marquant une avancée positive, la Chambre a voté la semaine dernière en faveur de l’arrêt du soutien militaire des É.-U. à la guerre en cours livrée par la Coalition au Yémen.

La résolution a été présentée par le représentant californien démocrate, Ro Khanna, lequel a déclaré à la suite du vote : « Nous sommes plus près que jamais de la fin de notre complicité dans cette catastrophe humanitaire. »

L’attention est maintenant tournée vers le Sénat, qui pourrait voter sur sa version de la résolution d’ici 30 jours. Parmi les sénateurs promouvant cette mesure, se trouve le sénateur démocrate Chris Murphy (du Connecticut), qui a mis de l’avant une récente enquête de CNN où il est établi que les Saoudiens ont notoirement fourni en armes vendues par les É.-U. les forces d’Al-Qaïda au Yémen, cela afin de souligner l’urgence du vote.

« Il faut que cette enquête agisse sur nous comme un appel à nous réveiller », dit-il. « Le Congrès devrait immédiatement adopter notre résolution bipartisane sur les Pouvoirs de guerre afin de nous sortir de la guerre au Yémen, qui a horriblement mal tourné, et nous devons cesser nos ventes d’armes destinées à aider l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à continuer d’alimenter ce conflit désastreux. »

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