À tous ceux/celles qui se soucient de l’avenir de l’humanité et de la planète (traduction)

À tous ceux/celles qui se soucient de l’avenir de l’humanité et de la planète

À tous ceux/celles qui se soucient de l’avenir de l’humanité et de la planète

Par Joseph Camilleri, Richard Falk and Chandra Muzaffar, PEARLS AND IRRITATIONS, 29 septembre 2022

(ce texte a également été endossé par 38 autres personnalités)
Texte original en anglais [Traduction : Dominique Lemoine; révision : Échec à la guerre]

L’humanité a atteint un point critique. Il est temps pour les gouvernements, les institutions internationales et les peuples de partout de faire le bilan et d’agir avec une urgence renouvelée.

Le conflit en Ukraine fait des morts, des blessé.e.s, des déplacé.e.s et des destructions ; il exacerbe une crise alimentaire mondiale, il mène l’Europe en récession et il perturbe l’économie mondiale.

Le conflit concernant Taïwan risque d’escalader en guerre totale qui dévasterait Taïwan et ferait de l’Asie de l’Est une poudrière.

Par Joseph Camilleri, Richard Falk and Chandra Muzaffar, PEARLS AND IRRITATIONS, 29 septembre 2022

Plus troublante encore est la relation toxique entre les États-Unis d’un côté et la Chine et la Russie de l’autre. C’est là que se trouve la clé des deux conflits.

Ce que nous voyons est le résultat de décennies de mauvaise gestion flagrante de la sécurité mondiale. Les États-Unis n’ont pas voulu accepter et encore moins s’adapter à la montée de la Chine et à la résurgence de la Russie. Les États-Unis demeurent fermés à l’idée de se défaire de notions dépassées de domination mondiale, un héritage de la guerre froide et du triomphalisme qui a suivi le démantèlement de l’Union soviétique.

Un déplacement du pouvoir mondial s’opère. Le monde centré sur l’Occident, sur lequel l’Europe d’abord et ensuite les États-Unis ont exercé leur emprise, cède la place à un monde multicentrique et multi-civilisationnel, dans lequel d’autres centres de pouvoir et d’influence demandent à être entendus.

Ne pas accepter cette nouvelle réalité représente un immense danger. Une nouvelle guerre froide bat son plein, qui peut à tout moment se transformer en guerre chaude. Selon le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, « l’humanité est à un malentendu, une erreur de jugement de l’anéantissement nucléaire ».

Même si l’apocalypse nucléaire est évitée, la discorde entre les États armés d’armes nucléaires entrave la résolution coopérative des problèmes, la fourniture de biens publics mondiaux, de même qu’un système des Nations unies efficace et indépendant.

Pour nous montrer à la hauteur du défi, nous avons besoin d’une réponse cohérente, soutenue et multiforme des gouvernements et des institutions internationales, inspirée et conduite par une société civile toujours vigilante et engagée. Plusieurs mesures s’imposent, certaines immédiates, d’autres à plus long terme.

Les premières mesures doivent viser à mettre fin au conflit en Ukraine et à désamorcer les tensions concernant Taïwan. Des efforts plus substantiels sont nécessaires pour favoriser un cadre de coexistence coopérative entre les États-Unis, la Russie et la Chine, un élément essentiel pour la paix en Europe et en Asie.

À cette fin, nous pensons que le Secrétaire général des Nations unies ou un groupe de puissances moyennes, idéalement les deux agissant de concert, pourraient mettre en mouvement une initiative en plusieurs volets visant à obtenir un cessez-le-feu effectif et durable en Ukraine et à apaiser les tensions au sujet de Taïwan.

Dans le cas de l’Ukraine, l’objectif doit être d’obtenir la cessation de tous les combats par les forces russes et ukrainiennes et les groupes séparatistes basés dans la région du Donbass. Il s’agirait d’un cessez-le-feu surveillé par une équipe des Nations unies qui en rendrait compte régulièrement et directement au Secrétaire général des Nations unies.

Il est cependant peu probable qu’un cessez-le-feu tienne longtemps sans un règlement durable du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Celui-ci dépendra à son tour de la fin de l’instrumentalisation cynique de la guerre en Ukraine par des grandes puissances dont l’intention est de poursuivre leurs ambitions géopolitiques. Ce n’est qu’alors qu’il sera possible d’obtenir :

  • le retrait progressif des forces militaires russes;
  • la fin de la livraison d’une aide militaire létale à l’Ukraine;
  • une politique de neutralité de l’Ukraine inscrite dans sa constitution;
  • la résolution des enjeux de juridiction, notamment la Crimée et la région du Donbass, harmonisée à un processus visant à apaiser les animosités régionales, ethniques et religieuses en Ukraine;
  • que tous les prisonniers de guerre, réfugié.e.s et civils en captivité puissent retourner dans leurs pays respectifs et que tous leurs droits soient respectés, comme le prévoient les Conventions de Genève.

Ces dispositions devront être complémentaires à un accord plus large impliquant d’autres parties concernées, en vue d’obtenir : un programme international financé de manière adéquate pour faire face à la crise humanitaire en Ukraine; des garanties internationales pour sauvegarder l’indépendance, la neutralité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine; et la levée de toutes les sanctions contre la Russie et le retour des relations commerciales normales.

Dans le cas du conflit au sujet de Taïwan, la première étape doit être de désamorcer le niveau de tension actuel. À cette fin, la communauté internationale devrait réaffirmer les principes énoncés dans le communiqué de Shanghai de 1972, notamment le principe « d’une seule Chine », qui reçoit aujourd’hui un large appui international. Conformément à ce principe, la communauté internationale doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour dissuader Taïwan de déclarer unilatéralement son indépendance. Le Secrétaire général des Nations unies, en collaboration avec l’ANASE, est bien placé pour mener une telle action.

Ces initiatives à relativement court terme doivent ouvrir la voie à une série de consultations interdépendantes, aboutissant à une conférence internationale, dont l’objectif premier serait de définir une nouvelle architecture de sécurité mondiale, soutenue par des réformes appropriées de gouverne mondiale et conçue pour :

  1. Arrêter la marche vers l’inconscience nucléaire et mettre en mouvement un programme ambitieux de désarmement nucléaire, en commençant par une série d’accords de contrôle des armements et de désarmement, et en aboutissant, dans un délai déterminé, à l’adhésion universelle au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires;
  2. Refléter la réalité d’un monde multicentrique et multi-civilisationnel, qui respecte l’indépendance et les droits légitimes de toutes les nations souveraines, et dans lequel aucun acteur ne cherche à exercer des ambitions impériales ou hégémoniques;
  3. Consacrer les principes de sécurité commune, coopérative et globale, et les traduire en accords régionaux efficaces, notamment en Europe et dans la région Asie-Pacifique;
  4. Lancer une série de mesures pouvant renverser la militarisation du système international, incluant des limitations à la portée et à l’étendue des alliances militaires, ainsi qu’aux déploiements de forces militaires à l’étranger, de même qu’une réduction progressive des budgets militaires nationaux, ce qui permettrait de réorienter les ressources vers des domaines présentant des besoins sociaux, économiques et environnementaux urgents;
  5. Mettre en mouvement une réforme profonde des institutions internationales, en particulier du système des Nations unies, afin qu’elles puissent organiser plus efficacement la réponse nécessairement coopérative aux menaces existentielles, notamment le changement climatique, la perte de biodiversité et les pandémies actuelles et futures.

Rien de tout cela ne se produira sans un réveil mondial massif de la sagesse et de l’énergie humaines. Aussi importants que soient les gouvernements et les institutions internationales, l’initiative d’une réponse cohérente aux défis auxquels nous faisons face revient en grande partie aux gens, à la société civile.

Divers types de leadership sont nécessaires. C’est pourquoi ce message est aussi destiné aux intellectuel.le.s, artistes, scientifiques, journalistes, responsables religieux, militant.e.s et autres citoyen.ne.s engagés.

Également, nous faisons appel aux groupes qui travaillent sur les droits des peuples autochtones, sur l’aide et le développement, sur la résolution des conflits, sur les libertés civiles et les droits de l’homme, sur la violence contre les femmes, sur les réfugié.e.s et les demandeurs d’asile, sur le changement climatique et d’autres menaces qui pèsent sur notre environnement, sur la santé publique (notamment le Covid), sur la justice pour les pauvres et les marginalisé.e.s, ainsi que sur la diversité ethnique, religieuse et culturelle. Tout le monde est affecté négativement par la confrontation entre grandes puissances, les lois sécuritaires oppressives, l’augmentation des budgets militaires et les activités militaires destructrices, sans parler de la perspective d’une catastrophe nucléaire. Tout le monde a un rôle crucial à jouer.

Les syndicats, les réseaux professionnels (dans les domaines de l’éducation, du droit, de la médecine, des soins infirmiers, des médias et des communications), les organisations d’agriculteurs, les organismes religieux, les groupes de réflexion et les centres de recherche axés sur l’être humain ont aussi beaucoup à apporter à la conversation au sujet d’un avenir habitable.

Il est temps que les gens, partout dans le monde, prennent l’initiative, personnellement et collectivement, de lancer des conversations, petites et grandes, formelles et informelles, en ligne et en personne, en utilisant la parole écrite et orale, ainsi que les arts visuels et du spectacle. C’est le moment de réfléchir ensemble à notre situation actuelle, à la direction que nous devons prendre et aux mesures qui doivent être prises pour y parvenir.

Les enjeux sont importants. Nous avons besoin d’une réflexion audacieuse qui relie les personnes et les enjeux au sein des pays et entre les pays. Nous devons relancer et recadrer la conversation sur la sécurité mondiale. Il n’y a pas un instant à perdre.

Préparé par :

Richard Falk, Emeritus Professor of International Law, Princeton University; Chair of Global Law, Queen Mary University London; Research Associate UCSB

Joseph Camilleri, Professor Emeritus, La Trobe University, Melbourne; Fellow, Academy of the Social Sciences in Australia; President, Conversation at the Crossroads

Chandra Muzaffar, Former Professor of Global Studies, Universiti Sains Malaysia, Penang; President of the International Movement for a Just World (JUST)

Endossé par :

Prof. Abdelllah Hammoudi, Professor of Anthropology, Emeritus; Founding Director of the Transregional Institute, Princeton University     

Ajarn Sulak Sivaraksa, Co-founder and Chairperson of Advisory Committee of International Network of Engaged Buddhists

Ashis Nandy, Homi Bhabha Fellow, Centre for the Study of Developing Societies

Brad Wolf Executive Director of Peace Action Network of Lancaster.

Prof. Alfred de Zayas, Professor of international law, Geneva school of diplomacy; Former UN Independent Expert on International Order (2012-18)

Dr. Arujunan Narayanan, Academic teaching International Relations, International Law and Western Philosophy – UKM, UM, HELP University, Armed Forces Defence College, Institute of Diplomacy and Foreign Relations.

Prof. Assaf Kfoury, Professor of Computer Science, Boston University

Prof. Azyumardi Azra, Rector of Syarif Hidayatullah State Islamic University, Jakarta, Indonesia (1998-2006); Professor of History, State Islamic University, Jakarta, Indonesia (1997-on)

Celso Luiz Nunes Amorim, Former Foreign Minister; Former Defense Minister, Brazil

Prof. Chaiwat Satha-Anand, Former President of Social Science Association of Thailand; Former Vice Rector for Academic Affairs, Thammasat University; presently Expert, Toda Peace Institute, Prof. of Politcal Science, Thammasat University; Thammasat University Distinguished Scholar

Chris Hedges, American Journalist, Author and Commentator

David Swanson, Author, Executive Director of World BEYOND War

Prof. Farish A. Noor, Professor, Department of History, University Malaya

Fredrik S. Heffermehl, Lawyer and Author, Norway, Nobel Peace Prize Watch.

Prof. Ilan Pappe, Director of European Center for Palestine Studies, University of Exeter, Britain

Ivana Nikolic Hughes, President, Nuclear Age Peace Foundation; Senior Lecturer in Chemistry, Columbia University

Prof. Jeffrey Sachs, University Professor, Columbia University

Jorge Casteneda, Former Foreign Minister of Mexico, New York University

(Rt Hon.) Jeremy Corbyn, Independent MP for Islington North

John K. Stoner, 1040forpeace.org

Prof. Jomo Kwame Sundaram, Professor Emeritus, Economics, University Malaya

Prof. Junaid S. Ahmad, Director, Center for the Study of Islam and Decoloniality, Islamabad, Pakistan

Dr. Kate Hudson, General Secretary, Campaign for Nuclear Disarmament

Kathy Kelly, Board President, World BEYOND War

Kishore Mahbubani, Founding Dean, Lee Kuan Yew School of Public Policy, NUS.

Prof. Kevin Clements, Director, The Toda Peace Institute, Tokyo Japan

Dr. Lim Teck Ghee, Policy Analyst

Prof. Mahmood Mamdani, Herbert Lehman Professor of Government, Columbia University, NYC

Mairead Maguire, Peace Laureate; Co-founder Peace People; Northern Ireland

Prof. Maivan Clech Lam, Emeritus Professor of International Law, Ralph Bunche Institute for International Studies at the Graduate Center of the City University of New York.

Maung Zarni, Burmese Dissident & Co-founder of FORSEA.

(Tan Sri.) Mohamed Jawhar Hassan, Adjunct Professor, Asia-Europe Institute, University of Malaya; Former Chairman and Chief Executive, Institute of Strategic and International Studies (ISIS) Malaysia

Dr. Ramzy Baroud, Center for Islam and Global Affairs, Zain University, Istanbul

Prof. Shad Saleem Faruqi, Emeritus Professor at Faculty of Law, Universiti Malaya; Chair Holder, Tunku Abdul Rahman Foundation

Shahanaaz Habib, Ex journalist, The Star

Susan Wright, Ph.D., Research Scientist and Lecturer Emerita, History of Science, University of Michigan

Victoria Brittain, Journalist and Author

Yanis Varoufakis, Member of Greek Parliament and MeRA25 leader, DiEM25 co-founder; Professor of Economics – University of Athens ; Honorary Professor of Political Economy –  University of Sydney ; Honoris Causa Professor of Law, Economics and Finance – University of Torino ; Distinguished Visiting Professor of Political Economy, Kings College, University of London