Au-delà de la fin de la guerre, une paix juste en Ukraine!

LETTRE OUVERTE

Lettre ouverte du Collectif Échec à la guerre parue dans les éditions papier et numériques du journal Le Devoir (26 février 2025)

Au-delà de la fin de la guerre, une paix juste en Ukraine!

Les voies de sortie de la guerre en Ukraine énoncées par le président Trump ont provoqué l’incrédulité et la panique en Ukraine et en Europe. S’il est clair que l’invasion de la Russie en février 2022 et son annexion ultérieure de quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine étaient illégales, il ne faudrait pas perdre de vue que les politiques poursuivies depuis des années par les puissances occidentales, dont le Canada, sont largement responsables de la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’Ukraine aujourd’hui. Il semble toujours y avoir peu de considération, de toutes parts, pour le respect du droit international et des droits des populations concernées.

2024 : Dangers accrus après une année de reculs pour l’Ukraine

Il y a un an, l’armée ukrainienne était déjà dans une situation « extrêmement difficile ». Depuis, c’est l’armée russe qui a fait des avancées, certes modestes, et qui est toujours en progression. Alors que l’Ukraine manque toujours de munitions et de défense aérienne, elle est maintenant aux prises avec de sérieux problèmes de recrutement et de désertion. Face à ces difficultés, les États-Unis et l’OTAN ont renchéri dans l’escalade : livraisons d’avions de chasse F-16 et Mirage; autorisation d’utiliser les missiles longue portée pour frapper profondément en territoire russe; évocation que des troupes européennes pourraient être envoyées en Ukraine. Et la Russie a aussi fait monter les enchères du risque : utilisation de nouveaux missiles hypersoniques; amendement de sa doctrine nucléaire, permettant l’usage de ces armes en cas d’agression par un pays non-nucléaire soutenu par un pays nucléaire…

Les racines de cette guerre

L’origine de cette guerre – qui n’aurait jamais dû avoir lieu – remonte à bien avant 2022. On peut penser à l’extension de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie, amorcée il y a plus de 25 ans. À la volonté de l’OTAN d’y intégrer l’Ukraine annoncée en 2008. Au choix de favoriser un coup d’État plutôt qu’une solution constitutionnelle lors de la crise de l’Euromaïdan en 2014. Au non-respect, par l’Ukraine et ses parrains occidentaux, des Accords de Minsk qui auraient pu mettre un terme à la guerre civile et permettre de réintégrer les régions sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk. Les racines de cette guerre remontent aussi, juste avant l’invasion, au refus occidental de négocier sérieusement avec la Russie de nouveaux arrangements avec l’OTAN et les États-Unis. Puis, à peine la guerre commencée, en mars 2022, ce sont les États-Unis et le Royaume-Uni qui ont pressé l’Ukraine de quitter les négociations laissant planer l’idée de la victoire militaire grâce à leur soutien.

Près de 400 milliards (en $CAN) ont été fournis en « aide » à l’Ukraine pour y mener une véritable guerre par procuration, justifiée par un discours manichéen présentant la Russie comme une menace à l’Europe et au monde entier, à la « démocratie » et à « nos valeurs ». Mais la guerre ne s’est pas déroulée selon le scénario de l’Occident. Les sanctions n’ont pas entraîné l’effondrement économique de la Russie, pas plus qu’un changement de régime. Et cette « aide » astronomique ne s’est pas traduite par la victoire de l’Ukraine, qui se trouve maintenant dans la situation la plus désavantageuse depuis trois ans.

Quelles sont les visées de Donald Trump en Ukraine et au-delà?

Les desseins du président Trump concernant le Groenland, Panama, le Canada, le Mexique et la bande de Gaza, avaient déjà rendu parfaitement clair son mépris total non seulement pour la souveraineté des peuples et le droit international, mais même pour ses alliés de l’OTAN.  C’est dans la même veine qu’il entend maintenant « régler » la guerre en Ukraine, sans participation européenne aucune. En gros, l’Ukraine devrait renoncer à adhérer à l’OTAN – une bonne chose! – et renoncer à récupérer les territoires conquis par la Russie. Et l’Ukraine devrait donner aux États-Unis l’accès à 500 milliards de dollars US de ses ressources en minerai, en compensation de « l’aide » déjà accordée et, possiblement, de futures garanties sécuritaires. Bref, les États-Unis et la Russie se partageraient la dépouille d’une Ukraine exsangue…

Une question importante demeure : qu’est-ce que Trump cherche à obtenir de la Russie en échange de ce virage à 180° de la politique étasunienne sur l’Ukraine qui l’avantage grandement? Est-ce que cela concerne le Moyen-Orient comme future chasse gardée des États-Unis et une éventuelle non-assistance à l’Iran au cas où Israël et les États-Unis s’y lanceraient en guerre? Ou cela fait-il plutôt partie d’une perspective plus globale d’affaiblir l’alliance russo-chinoise dans le contexte de la « compétition stratégique » États-Unis vs Chine?

Sombres perspectives vs solution souhaitable

Le coût humain de la guerre en Ukraine est énorme : des dizaines de milliers de soldats morts des deux côtés, plus de 12 000 civils tués, des dizaines de milliers de blessés, des millions d’exilé.e.s, des infrastructures économiques et civiles de plus en plus détruites…

La poursuite de la guerre n’est pas la solution. Au lieu de continuer à fournir des armes au gouvernement ukrainien, le Canada devrait promouvoir une paix durable s’appuyant sur le respect du droit international. Cela doit évidemment impliquer l’Ukraine, mais aussi les Nations Unies, dont c’est le rôle prescrit, mais de plus en plus ignoré, de veiller à la sécurité mondiale. Un cessez-le-feu devrait être accompagné du déploiement de forces des Nations Unies, avec un réel mandat de neutralité, et non de troupes européennes. Car en cas de rupture du cessez-le-feu, cela entraînerait une participation directe de troupes de l’OTAN à la reprise des hostilités!

En échange de garanties solides sur la neutralité de l’Ukraine et de sa non-adhésion à l’OTAN (ni formellement, ni de facto), la Russie pourrait peut-être accepter de suspendre son annexion illégale des quatre régions de l’est ukrainien pendant une période de transition, suite à laquelle des élections supervisées par l’ONU pourraient y être organisées pour déterminer leur statut définitif selon la volonté des populations concernées. Mais de telles considérations sont étrangères au président des États-Unis. Selon les concessions qu’il pourra obtenir du président Poutine pour son propre agenda mondial, ses pressions sur l’Ukraine pourraient s’avérer brutales et nuisibles à une solution un tant soit peu juste.

Pour le Collectif Échec à la guerre :

Jean Baillargeon
Judith Berlyn
Martine Eloy
Raymond Legault
Suzanne Loiselle