Avec une escalade massive contre le Yémen, Donald Trump réaffirme que les États-Unis sont les gendarmes du monde (traduction)

Avec une escalade massive contre le Yémen, Donald Trump réaffirme que les États-Unis sont les gendarmes du monde

Par Aida Chávez, The Intercept, 17 mars 2025
Texte original en anglais [Traduction : Claire Lapointe; révision : Nathalie Thériault]

La tentative de M. Trump de provoquer un changement de régime au Yémen devrait être condamnée à la fois par les démocrates et par les partisans des « États-Unis d’abord », mais qui osera enfin s’exprimer sur ce sujet?

« Avec une escalade massive contre le Yémen, Donald Trump réaffirme que les États-Unis sont les gendarmes du monde », The Intercept, 17 mars 2025
« Avec une escalade massive contre le Yémen, Donald Trump réaffirme que les États-Unis sont les gendarmes du monde », The Intercept, 17 mars 2025

Le président Trump a lancé des frappes aériennes massives sur le Yémen au cours de la fin de semaine des 15 et 16 mars dernier, faisant 53 morts et une centaine de blessés. La salve a marqué la résurgence d’une véritable guerre non autorisée menée par les États-Unis contre l’un des pays les plus pauvres du monde.

Présentées par les États-Unis comme une mesure visant à protéger les voies de navigation cruciales de la mer Rouge, ces frappes illégales sont une escalade en comparaison des frappes de représailles de l’administration Biden. Cette évolution semble annoncer le retour à une guerre de changement de régime généralisée. Le secrétaire d’État, Marco Rubio, a été sans équivoque lorsqu’il a déclaré que les États-Unis joueraient le rôle de gendarme à l’échelle mondiale.

« Nous rendons service au monde en le débarrassant de ces types et de leur capacité à entraver le transport maritime mondial », a-t-il déclaré.

Cette escalade crée une situation politique embarrassante aux États-Unis. Donald Trump a fait campagne en promettant de mettre fin aux guerres, allant jusqu’à souligner son désir d’en éviter de nouvelles lors de son discours d’investiture. De leur côté, les partisans des « États-Unis d’abord » — quelles que soient leurs motivations — saluent les négociations en vue de mettre un terme à la guerre en Ukraine.

Pourtant, l’administration s’apprête à faire couler davantage de sang au Moyen-Orient : MM. Trump et Biden ont laissé leurs alliés brutaux se déchaîner, tout en tentant d’extirper les États-Unis de ces conflits régionaux. Aujourd’hui, l’administration Trump préconise une intervention nettement plus poussée et plus engagée au Yémen.

Dimanche [16 mars], lors d’une entrevue accordée à l’émission Face the Nation, M. Rubio a déclaré que les frappes aériennes n’étaient pas un « message » ou un « cas unique »; elles se poursuivraient jusqu’à ce que les États-Unis se débarrassent des Houthis, le groupe rebelle yéménite qui a pris le contrôle de vastes étendues du pays, il y a dix ans.

« Telle est notre mission, et nous la mènerons jusqu’à son terme », a déclaré M. Rubio. « Cela ne s’est pas produit auparavant; l’administration Biden s’étant contentée de riposter à une attaque ».

Risquer une guerre régionale

L’escalade de la guerre au Yémen pourrait déclencher précisément le type de conflit régional au Moyen-Orient que Trump prétendait vouloir éviter. Et la guerre au Yémen semble susceptible de s’intensifier davantage. Les experts disent qu’il est probable que les forces par procuration — soutenues par les États-Unis au Yémen — sont susceptibles de relancer leurs opérations terrestres contre les Houthis. Ces forces par procuration seront assurément appuyées par le service de renseignements étasunien, entre autres soutiens.

Le risque d’un véritable conflit régional s’accroît également, car M. Trump menace directement l’Iran, l’un des principaux soutiens du mouvement Houthi et l’un des principaux ennemis des alliés des États-Unis, à savoir Israël et l’Arabie saoudite.

La guerre au Yémen s’est inscrite, sous diverses formes, dans le cadre d’une guerre par procuration plus large. Lors des premières phases de la guerre civile, l’opposition des Houthis était constituée de forces provenant d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et soutenues par ces deux pays. Ce conflit ne s’est ralenti que lorsque le désintérêt des États-Unis s’est transformé en un accord de paix conclu sous l’égide de la Chine.

Plus tard, les attaques des Houthis contre les voies de navigation de la mer Rouge ont été déclenchées en réaction à l’attaque brutale d’Israël contre les Palestinien·ne·s de la bande de Gaza occupée. Lorsqu’un cessez-le-feu fut proclamé et que l’aide humanitaire est arrivée à Gaza, les Houthis ont tenu leur engagement : ils ont cessé d’attaquer les navires commerciaux.

À Washington, la reprise de la guerre au Yémen pourrait également créer une situation embarrassante pour les démocrates. Auparavant, l’opposition des démocrates à l’engagement des États-Unis dans ce conflit n’avait pas rallié tout le parti, même si elle était de plus en plus forte. Au cours du premier mandat de M. Trump, les démocrates s’étaient vivement opposés à ce que les États-Unis soutiennent la coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui bombardait le Yémen. La résolution sur les pouvoirs de guerre au Yémen a été adoptée par les deux chambres du Congrès, avec l’appui des deux partis.

Cependant, lorsque M. Biden a commencé à exercer des représailles contre les Houthis, dans le cadre de la guerre d’Israël contre Gaza, de nombreux et de nombreuses démocrates sont revenus sur leur opposition à la guerre au Yémen. Les démocrates font maintenant face au choix suivant : rallier leur groupe parlementaire contre l’escalade imprudente de M. Trump, et prendre ainsi position en faveur d’une politique étrangère plus modérée, ou soutenir le président dans son désir de revitaliser le rôle étasunien de gendarme du monde.