Comment l’invasion de Poutine a remis l’OTAN sur le devant de la scène
Pour la première fois depuis des années, son rôle est devenu un sujet de débat enflammé. Mais de quoi parle-t-on quand on parle de l’OTAN ?
par Thomas Meaney, The Guardian, 5 mai 2022
Texte original en anglais [Traduction et révision: Échec à la guerre]
L’OTAN est de retour. Avec l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine a relancé à lui seul la fortune de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, la ramenant au sommet de l’agenda de la politique étrangère. Les États nordiques qui se targuaient autrefois de leur indépendance vis-à-vis de l’Organisation sont désormais impatients d’y adhérer. Le gouvernement allemand s’est engagé à une augmentation sans précédent des dépenses de défense, ce qui signifie une augmentation de sa contribution à l’OTAN. Les stratèges militaires étasuniens rêvent à nouveau d’ouvrir une franchise de l’OTAN pour le Pacifique, tandis que les bureaucrates de l’Union européenne (UE) planifient une nouvelle OTAN pour Internet. Les anciens tenants libéraux et sceptiques de l’alliance ont appris à aimer l’OTAN de la même manière qu’ils ont appris à aimer la CIA et le FBI pendant les années Trump. Le vieux shérif de la guerre froide a retrouvé sa concentration et, à la surprise de plusieurs, s’est avéré être une force remarquablement dynamique et capable dans la lutte contre la Russie.
Le retour de l’OTAN sur le devant de la scène s’est accompagné d’un renouveau du débat sur son histoire. Chaque partie intéressée a une histoire différente à raconter. Pour Moscou, l’OTAN a longtemps été un projet visant à soumettre la Russie et à réduire son influence à un souvenir. Pour Washington, l’OTAN a commencé comme un moyen de protéger les Européens de l’Ouest d’eux-mêmes et de l’Union soviétique, mais dans les années 1990, elle est devenue un véhicule d’avancement pour la démocratie, les droits de la personne et le capital. Pour les Européens de l’Est, l’OTAN est la promesse sacrée de tenir les chars russes à distance. Pour la plupart des États d’Europe occidentale, l’OTAN a fourni un parapluie nucléaire étasunien à prix d’aubaine qui leur a permis de financer le bien-être social plutôt que des armées, quand ils n’utilisaient pas leurs obligations de l’OTAN pour justifier l’austérité. Pour le reste du monde, l’OTAN était autrefois une alliance défensive basée dans l’Atlantique qui s’est rapidement transformée en une alliance offensive intervenant toujours plus loin.
Une caractéristique frappante de ces arguments éculés sur l’OTAN est qu’ils supposent tous un degré élevé de familiarité avec la chose elle-même. Malgré qu’elle soit au centre d’une certaine conception de l’Europe – voire de l’Occident – peu de gens peuvent dire de quoi il s’agit exactement. Entassé dans un acronyme de quatre lettres, il y a plus qu’une simple alliance militaire. L’OTAN n’est plus particulièrement « Nordique », ni « Atlantique », ni liée à un « Traité », alors que la qualifier d’ « organisation » la fait presque passer pour une entreprise caritative. Une des raisons pour lesquelles la forme de l’OTAN peut être difficile à discerner est que l’alliance a, au moins en Occident, gagné une longue guerre de relations publiques. Dans les années 1950, l’OTAN a envoyé des expositions itinérantes et des cinémas extérieurs dans l’arrière-pays de l’Europe pour expliquer les avantages de l’alliance aux populations sceptiques. Il n’est plus nécessaire de plaider si ardument en faveur de l’OTAN, et l’opposition à celle-ci a considérablement diminué depuis les années 1980. Ce qui était autrefois présumé être un artefact de l’ordre mondial de la Guerre froide se trouve si confortablement installé au cœur du système militaro-politico-économique occidental qu’il est souvent pris, à tort, pour une caractéristique naturelle du paysage européen.
Sur papier, l’OTAN est une alliance de 30 États attachés à des institutions libres et liés entre eux par l’article 5 de sa charte, qui stipule que – bien que conditionnellement – les membres défendront collectivement tout membre attaqué. Née en 1949, l’OTAN se considère comme la cadette des autres institutions internationales du millésime du milieu du siècle – l’ONU et le GATT, devenu l’Organisation mondiale du commerce – et est fière d’avoir maintenu la paix européenne pendant plus d’un demi-siècle. Militairement, sinon économiquement, l’OTAN a largement rempli la mission que lui a confiée son premier secrétaire général, Hastings Ismay: « Garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur, et les Allemands sous tutelle ».
Bien que principalement une alliance militaire, l’OTAN est aussi une culture, ou comme son troisième commandant suprême allié, Alfred Gruenther, l’a déclaré: “L’OTAN est un état d’esprit.” Des villes d’entreprises de l’OTAN parsèment le continent (Brunssum, Ramstein, Geilenkirchen, Oberammergau, Uedem, Aviano, Świętoszów); il y a des écoles de l’OTAN pour les enfants des employés et des académies et centres de l’OTAN où sont enseignés les programmes militaires de l’OTAN ( « une formation intelligente pour une défense intelligente »); le Collège de la défense de l’OTAN à Rome; un pipeline souterrain de l’OTAN pour le carburéacteur qui traverse l’Allemagne; un recueil de chansons de l’OTAN; un hymne de l’OTAN; une ballade de l’OTAN de Bing Crosby; un alphabet phonétique de l’OTAN (“Alpha, Bravo”); des subventions et des chaires universitaires financées par l’OTAN; un Modèle international de l’OTAN pour les étudiants universitaires; une écharpe Hermès de l’OTAN, un club de golf de l’OTAN en Belgique pour handicap 36 et moins; et un siège de l’OTAN à Bruxelles, qui abrite l’unité de « contre-propagande » financée par le Royaume-Uni, ainsi que le musée de l’OTAN, ou ce qu’on appelle dans le langage de l’OTAN un réseau du patrimoine des arts, qui expose des copies d’anciennes statues grecques et un grand nombre de bureaux en bois sans intérêt.
Sur papier, le budget de l’OTAN est relativement modeste, 2,5 milliards d’euros (2,64 milliards de dollars), avec des contributions de tous les États membres, mais le budget de défense des États-Unis, de 800 milliards de dollars, garantit que l’OTAN peut dépenser une grande partie de ses propres fonds pour l’entretien bureaucratique. Malgré quelques clins d’œil à la façon dont elle produit toutes ses décisions par “consensus”, l’OTAN tente peu de cacher le fait de la primauté étasunienne dans l’alliance. Dans la procédure juridique officielle de sortie de l’OTAN, la charte stipule qu’un État doit déclarer son intention non pas au secrétaire général de l’OTAN, mais au président des États-Unis.
Dans la pratique, l’OTAN est avant tout un arrangement politique qui garantit la primauté des États-Unis dans la détermination des réponses aux questions européennes. Le quartier général politique de l’OTAN se trouve à Bruxelles, mais son centre de commandement militaire le plus important se trouve à Norfolk, en Virginie. Chaque commandant suprême allié depuis 1949 est un officier militaire des États-Unis. L’OTAN n’a pas de forces propres. Elle comprend environ 4 000 fonctionnaires qui coordonnent ses activités autour du monde. Les forces militaires de l’OTAN à un moment donné sont constituées de forces volontairement détachées par les gouvernements membres, les États-Unis étant le principal contributeur. Les guerres et les engagements de l’OTAN – qui ont entraîné des Luxembourgeois et des Turcs dans des combats en Corée, et des Espagnols et des Portugais dans des combats en Afghanistan – ont généralement été décidés par Washington. Même les guerres menées principalement par des Européens – comme l’intervention de l’OTAN en Libye – ont largement reposé sur la logistique, le ravitaillement en carburant et le matériel étasuniens.
Les joyaux de la couronne de l’OTAN sont ses armes nucléaires. En théorie, les trois puissances nucléaires de l’OTAN – la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis – coordonnent la défense nucléaire pour le reste de l’alliance. L’OTAN maintient des forces nucléaires en Europe, mais elles sont en grande partie cérémonielles. Si Moscou lançait un missile nucléaire sur Bruxelles, la réponse initiale viendrait unilatéralement de Washington car suivre les procédures de l’OTAN implique des protocoles laborieux. (Le groupe nucléaire de l’OTAN devrait d’abord se concerter et s’entendre pour riposter, puis demander la portion du code nucléaire détenue par Washington afin de lancer les missiles stationnés sur son territoire.) Les avions à capacité nucléaire en Belgique sont pilotés et entretenus par des Belges, comme c’est le cas en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas. Mais aucun de ces systèmes d’armes n’est sur le même niveau élevé d’alerte que le président étasunien est capable d’activer sans la permission d’aucun autre membre de l’OTAN. Seules la France et la Grande-Bretagne, qui disposent de leurs propres forces nucléaires totalement indépendantes, ont la possibilité d’éliminer leurs ennemis lors d’une frappe nucléaire sans consulter la Maison Blanche.
Depuis sa naissance en 1949, on a sonné le glas de l’OTAN plusieurs fois, en particulier par ceux qui oublient que les crises sont son élément vital. L’alliance elle-même était presque mort-née. A la fin de la seconde Guerre mondiale, Franklin Roosevelt s’attendait à ce que les troupes occidentales et soviétiques quittent l’Europe centrale dans les deux ans. Mais les hommes d’État d’Europe occidentale voulaient que les États-Unis fournissent une garantie de sécurité pendant qu’ils reconstruisaient leurs économies.
De nombreuses propositions ont été faites sur la façon dont ce pacte de sécurité pourrait être configuré. Le stratège étasunien George Kennan a proposé un système « en haltère », dans lequel l’Europe occidentale aurait son propre système de défense, tandis que le Canada et les États-Unis en auraient un distinct qui pourrait venir en aide à l’Europe occidentale dans le cas improbable d’une invasion soviétique. L’éminent journaliste libéral Walter Lippmann a soutenu qu’il était inutile que les États-Unis stationnent des troupes en Europe dans un monde où les armes nucléaires avaient rendu les forces conventionnelles superflues. Mais des anticommunistes de premier plan tels qu’Ernest Bevin et Dean Acheson ont rejeté cette vision. Ils savaient que l’Armée rouge, qui venait de vaincre les nazis, n’était pas seulement la force la plus puissante du continent, mais aussi, de façon alarmante, une force très populaire en Europe occidentale.
Au lieu de cela, Bevin et ses homologues européens ont formé ce qu’ils ont appelé l’Union occidentale, qui a étendu le traité de Dunkerque d’après-guerre entre la France et le Royaume-Uni pour inclure le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique. Lorsque cette organisation a demandé à Washington de fournir une garantie de sécurité contraignante, les diplomates étasuniens ont pris le contrôle du projet et l’ont orienté vers ce qui allait devenir l’OTAN, un pacte de sécurité beaucoup plus étendu qui comprenait 12 États membres, avec les États-Unis à la direction. À l’époque, le débat sur « l’élargissement » portait sur l’inclusion ou non d’États comme l’Italie dans l’alliance. Kennan pensait que l’idée d’une extension de l’OTAN dans le sud de l’Europe était « faiblement provocatrice » envers l’Union soviétique, et qu’elle préparait le terrain pour une expansion sans limites. Il pensait que l’OTAN n’avait de sens que comme un pacte entre ce qu’il considérait comme des peuples de l’Atlantique Nord similaires sur le plan racial et culturel, et déplorait une alliance qui aurait pour effet de geler les lignes de bataille de la guerre froide au centre de l’Europe.
Dès le début, l’OTAN était impopulaire auprès des populations de ses membres. Lors de sa première campagne pour la présidence, Harry Truman ne pouvait pas se permettre de risquer de mentionner ses plans pour l’alliance de l’Atlantique Nord à un public étasunien fatigué de la guerre. Communistes et nationalistes français – opposés sur presque toutes les autres questions – ont protesté ensemble contre l’entrée de la France dans l’OTAN en 1949. Il y a eu d’énormes insurrections anti-OTAN à travers l’Italie. Le plus grand soulèvement de l’histoire de l’Islande après la guerre a eu lieu lorsque la nation insulaire a rejoint l’alliance. Un vaste répertoire de chansons et d’hymnes islandais anti-OTAN a vu le jour lors des négociations entre Reykjavik et Washington. À la veille de l’adhésion de l’Islande à l’OTAN, le romancier communiste et futur lauréat du prix Nobel Halldór Laxness a publié « La station atomique », un « Vestiges du jour » islandais, dans lequel une jeune servante du nord voit l’élite de Reykjavik vendre le pays aux responsables de l’OTAN derrière des portes closes.
La première décennie d’après-guerre a été tumultueuse pour l’OTAN. Avec la reprise économique en plein essor de l’Europe, la conviction que le continent avait besoin d’une garantie de sécurité de la part des États-Unis s’est affaiblie. La guerre de Corée de Truman a montré à quel point les États-Unis pouvaient facilement devenir dépassés. En réponse, les dirigeants d’Europe occidentale ont élaboré des plans pour la Communauté européenne de défense, combinant les armées naissantes de l’Allemagne de l’Ouest, de la France, de l’Italie et des pays du Benelux. Mais ce plan pour une armée européenne s’est effondré presque dès qu’il a été lancé. La Grande-Bretagne considérait la force combinée comme une menace pour la souveraineté nationale. De son côté, le gouvernement français était plus inquiet d’une résurgence de l’Allemagne que d’une invasion soviétique. Paradoxalement, cette volonté précoce d’autonomie vis-à-vis de Washington a fini par amener les États d’Europe occidentale plus étroitement dans le giron de l’OTAN, qui s’est avérée être le seul arrangement capable de plâtrer leurs divisions.
L’OTAN a peut-être commencé comme un bouche-trou sécuritaire, mais elle est rapidement devenue un garant de la stabilité occidentale d’une manière qui dépasse l’imagination de ses architectes. Pour les États-Unis, les budgets de défense massifs sont devenus un mode de vie et le moyen le moins controversé de faciliter les dépenses publiques dans une économie d’après-guerre qui visait toujours le plein emploi. Le fait que le pays ne se soit jamais entièrement réconcilié avec cette posture de guerre permanente est clairement illustré dans le rituel de presque tous les présidents d’après-guerre promettant, et échouant, de réduire le niveau de troupes étasuniennes déployées en Europe. Pendant ce temps, pour les Européens de l’Ouest, cette générosité de la part des États-Unis leur a permis de consacrer une plus grande partie de leur excédent à leurs États-providence, dans un effort pour apaiser leurs mouvements ouvriers plus militants.
La stabilité politique atteinte par l’OTAN dans les années 1950 n’a jamais été exempte de ruptures. En 1955, Washington a fait entrer l’Allemagne de l’Ouest dans l’alliance. En réaction, les Soviétiques ont créé leur propre système de sécurité anti-OTAN, le Pacte de Varsovie. Un an plus tard, l’OTAN a gravement vacillé lorsque la crise de Suez a révélé les divisions entre des membres qui voulaient s’accrocher à leurs possessions coloniales et un Washington désireux de gagner la faveur des nationalistes du tiers monde qui pourraient autrement devenir communistes. (La Belgique, la France et les Pays-Bas avaient même initialement souhaité que leurs colonies soient incluses dans l’OTAN, ce qui était beaucoup trop pour Washington.) Le commandement de l’OTAN avait une attitude ambivalente envers l’empire britannique. D’une part, l’OTAN a contribué à accélérer le déclin impérial en exigeant, par exemple, que la Grande-Bretagne remplisse ses obligations de stationner des milliers de troupes britanniques sur le Rhin, au détriment de nœuds coloniaux plus critiques comme Singapour. Mais les stratèges étasuniens craignaient également que le retrait britannique du Moyen-Orient riche en ressources ne laisse derrière lui un vide, que l’OTAN a tenté de combler en créant l’Organisation du Traité du Moyen-Orient, l’une des nombreuses tentatives infructueuses de se répliquer.
On se souvient des années 60 à l’OTAN comme d’une période d’urgence permanente. Pendant des années, la patience de Charles de Gaulle envers l’alliance avait eu la mèche courte. « L’OTAN est un faux », déclarait-il en 1963. « Grâce à l’OTAN, l’Europe est placée sous la dépendance des États-Unis sans en avoir l’air. » Trois ans plus tard, De Gaulle a retiré la France – et ses armes nucléaires – du commandement de l’OTAN. (C’était plus théâtral que réel: la participation de la France aux exercices et au partage de technologies de l’OTAN est restée presque inchangée et elle était toujours membre de l’OTAN.)
La décision de De Gaulle était en partie le résultat de son illusion sur le statut de la France en tant que grande puissance. Mais il voyait aussi – plus imaginativement – la Russie comme une partie naturelle de l’Europe, une partie bouclée par une guerre froide qui, selon lui, serait un jour terminée. Aux yeux de De Gaulle, le capitalisme de Washington et le communisme de Moscou convergeaient vers une société technocratique remarquablement similaire. Il voyait l’OTAN comme une tentative délibérée des États-Unis de ralentir l’histoire, afin de prolonger le moment où Washington était la première puissance mondiale. Mais malgré le tumulte provoqué par De Gaulle parmi les piliers de la guerre froide et la multitude de nécrologies de l’OTAN qui a suivi, l’alliance a peut-être même été renforcée par le demi-départ de la France. Cela a permis à l’OTAN d’intégrer plus complètement l’Allemagne de l’Ouest dans l’alliance et de sonner l’alarme pour des engagements accrus d’autres États membres.
Au cours de ces décennies, l’opposition à l’OTAN a été un cri de ralliement pour la gauche d’Europe occidentale, qui la considérait non seulement comme une forme institutionnalisée de corde raide nucléaire, mais comme une alliance entre les classes dirigeantes étasuniennes et européennes déterminées à renforcer leur défense autant contre l’opposition domestique – que ce soit en espionnant les communistes français ou en extirpant les membres de la Fraction armée rouge allemande qui avaient bombardé les pipelines de l’OTAN – que contre les Soviétiques.
L’OTAN n’était pas particulièrement préoccupée par les arrangements politiques internes de ses États membres, tant qu’ils étaient implacablement anticommunistes. Le Portugal sous la dictature de Salazar a été accueilli dans l’OTAN en 1949, et en 1967, lorsque les colonels grecs fascistes ont utilisé les propres plans de contre-insurrection de l’OTAN pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, la revendication légale, menée par les États scandinaves, que la Grèce devrait se retirer de l’alliance n’a jamais été sérieusement envisagée.
Il y a cependant eu des menaces plus graves pour l’unité de l’OTAN. La Grèce et la Turquie se sont violemment affrontées à Chypre en 1974. À la suite de l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011, des milices soutenues par la Turquie et l’Italie ont combattu l’armée libyenne du général Haftar, soutenue par la France. L’unité de l’OTAN a pris un autre coup en 2018, lorsque, après que la Turquie a commencé à assiéger les alliés kurdes des États-Unis et de l’Europe occidentale en Syrie, Emmanuel Macron a déclaré l’alliance « en état de mort cérébrale ». L’OTAN a également subi un coup psychologique sous la présidence de Donald Trump, qui aimait remettre en question publiquement l’utilité de l’alliance et a refusé de marmonner les phrases rituelles sur l’article 5 lors d’une visite au siège de l’OTAN, tout en augmentant les dépenses et les niveaux de troupes des États-Unis en Europe.
Mais la crise existentielle la plus grave de l’OTAN est arrivée dans les années 1990, lorsque la raison d’être de l’Organisation – l’Union soviétique – s’est effondrée. Dans cette nouvelle conjoncture, même les propres fonctionnaires de l’OTAN ne savaient pas clairement quel serait son avenir. Il ne restait plus que la perspective d’un rôle de conciergerie, l’OTAN aidant à recueillir et démanteler l’arsenal nucléaire de l’Union soviétique. Non seulement son spectre organisateur avait disparu, mais une série de nouvelles institutions en Europe – l’Union européenne avant tout – semblaient offrir un avenir européen plus cohérent et autonome par rapport aux États-Unis. Même avant la chute de l’Union soviétique, il y a eu des propositions pour de nouveaux arrangements politiques, y compris l’idée de François Mitterand d’une Confédération européenne qui inclurait ostensiblement l’URSS et exclurait les États-Unis. En 1989, Mikhaïl Gorbatchev s’est approprié le vieux rêve de De Gaulle d’une Europe qui s’étendrait de l’Atlantique à l’Oural, qu’il a qualifiée de « maison européenne commune », dans laquelle « une doctrine de retenue devrait remplacer la doctrine de dissuasion ».
Plusieurs participants et observateurs de premier plan dans les années 1990 pensaient que l’OTAN, sa mission accomplie, fermerait boutique. « Dissolvons l’OTAN et le Pacte de Varsovie. Libérons vos alliés et les nôtres », a courageusement proposé Edouard Chevardnadze, le ministre soviétique des Affaires étrangères, au secrétaire d’État des États-Unis en 1989. Plus tard cette année-là, le dirigeant tchèque Václav Havel a déclaré à George HW Bush qu’il s’attendait à ce que les troupes étasuniennes et russes quittent bientôt l’Europe centrale. D’éminents stratèges partageaient cette opinion aux États-Unis. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, il était temps pour les Européens de reprendre leur sécurité en main, avec le retrait des troupes étasuniennes du continent. John Mearsheimer, l’un des principaux théoriciens des relations internationales des États-Unis, écrivait dans The Atlantic Monthly en 1990 : « La menace soviétique fournit le ciment qui maintient l’OTAN ensemble. Enlevez cette menace offensive et les États-Unis risquent d’abandonner le continent. » Jeter un coup d’œil à la production de la bureaucratie de l’OTAN dans les années 1990, c’est être témoin d’une multitude de prises de position paniquées décrivant des façons de prolonger la vie d’un patient malade.
Mais la crise de l’OTAN dans les années 1990 s’est avérée être sa plus grande heure. Non seulement elle n’a pas fermé ses portes au cours de la décennie, mais elle s’est développée. Elle ne s’est pas estompée à l’arrière-plan, mais est devenu plus active. » « L’OTAN doit sortir de sa zone ou elle fera faillite », est devenu le mantra des apparatchiks de l’OTAN au cours de cette décennie. En quelques années à peine, l’OTAN est passée d’une organisation principalement défensive à une organisation effrontément offensive – d’un gardien géopolitiquement conservateur du statu quo à un agent de changement en Europe de l’Est. Comment est-ce arrivé?
Alors que l’administration de George HW Bush arpentait les ruines de l’Union soviétique, elle a déterminé que le nouveau défi pour l’OTAN n’était pas la Fédération de Russie naissante, mais une Europe unifiée. « Nous devons chercher à empêcher l’émergence d’arrangements de sécurité réservés à l’Europe qui saperaient l’OTAN », pouvait-on lire dans le projet de note de service du Conseil de sécurité nationale de 1992 qui a fait l’objet d’une fuite. Dans sa rhétorique, l’administration Bush était prudente quant à l’expansion de l’OTAN. Mais dans la pratique, elle se comportait de façon triomphaliste: malgré les protestations virulentes de Gorbatchev, Bush a incorporé une Allemagne nouvellement unifiée dans l’OTAN. Peu de temps après, la formation des troupes ukrainiennes par l’OTAN a commencé.
Lorsque Bill Clinton est devenu président en 1992, la vraie différence était que la rhétorique de l’expansion correspondait à la pratique. Clinton a présidé à l’entrée de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque dans l’OTAN en 1999 et a traité la Russie comme l’État détruit qu’elle était.
Il y avait une certaine ironie dans la surenchère de Clinton sur l’OTAN. À bien des égards, il était apparu comme la figure idéale pour fermer l’alliance. En campagne électorale en 1992, Clinton avait laisser planer l’idée de réduire les effectifs de l’OTAN en faveur de nouvelles unités militaires de l’ONU plus versatiles et à « déploiement rapide ». Au départ, Clinton était sceptique quant à l’extension de l’OTAN vers l’est. « Alors laissez-moi clarifier les choses », aurait-il dit à son personnel de la sécurité nationale après avoir été informé du plan d’expansion. Tout ce que les Russes obtiendraient « de ce très bon marché que nous leur proposons » est l’assurance « que nous n’allons pas installer notre matériel militaire chez leurs anciens alliés, qui vont maintenant être nos alliés, à moins qu’on ne se réveille un matin et qu’on décide de changer d’idée ? »
Mais l’expansion de l’OTAN a finalement été approuvée par Clinton – et poursuivie avec avidité par son administration pour trois raisons principales. La première ce sont les pressions exercées sur le Pentagone par les anciens États du Pacte de Varsovie. Pour un pays comme la Pologne, l’adhésion à l’OTAN était la première étape en vue de réorienter Varsovie vers l’Occident riche. « Que les généraux russes s’énervent », a lancé le dirigeant polonais Lech Walesa à son homologue des États-Unis en 1993. « Ils ne déclencheront pas de guerre nucléaire. » La seconde raison relevait des calculs internes de Clinton, à savoir que ce soutien à l’adhésion à l’OTAN de pays d’Europe de l’Est lui gagnerait des votes dans les enclaves d’émigrés d’Europe de l’Est de la Rust Belt [NDLR : la région industrielle du Nord-Est des États-Unis]. Ce qui n’était pas une considération mineure pour une administration d’abord préoccupée par les affaires domestiques.
La dernière raison était liée à la cristallisation de l’idéologie des droits de la personne dans les années 1990, lorsque la prépondérance du pouvoir des États-Unis dans le monde était si grande qu’elle suscitait des inquiétudes quant à l’atteinte à la souveraineté d’une nation étrangère. De nombreux anciens détracteurs de l’OTAN en étaient venus à adopter l’organisation à la fin de la Guerre froide, la considérant comme le seul véhicule viable de leur nouveau programme d’intervention humanitaire. En 1995, le secrétaire général de l’OTAN était Javier Solana, auteur du tract de 1982 ‘50 raisons de dire non à l’OTAN’, qui avait aidé son parti socialiste à remporter la victoire en Espagne, et qui figurait lui-même sur la liste étasunienne des agents subversifs.
Les bombardements de la Bosnie-Herzégovine en 1995, puis du Kosovo en 1999, ont été des vitrines de la nouvelle place de l’OTAN dans l’ordre de l’après-guerre froide. Non seulement la décision de Clinton de bombarder l’ex-Yougoslavie a contourné le conseil de sécurité de l’ONU et prouvé que l’UE, et en particulier l’Allemagne, étaient incapables de résoudre les crises de sécurité dans leur propre voisinage. Mais c’était aussi une démonstration de force qui a sans doute secoué le Kremlin plus que l’expansion de l’OTAN elle-même. La guerre était un aperçu des attractions à venir: le recours aux opérations militaires technologiques « sans faute » qui ne nécessitaient pas de troupes étasuniennes au sol, et l’attente que les interventions dirigées par l’OTAN pouvaient instantanément produire un alignement sur les États-Unis de forces locales, comme les Albanais du Kosovo, qui continuent de nommer leurs enfants en l’honneur de Clinton et Bush.
La foi de l’administration Clinton dans l’expansion de l’OTAN et la guerre de l’OTAN reflétait sa foi dans les capitaux et les marchés. L’OTAN, de ce point de vue, en est venue à agir comme une agence de notation qui déclarerait des parties de l’Europe de l’Est comme des zones sécuritaires pour les investissements étrangers et, en fin de compte, pour l’adhésion à l’UE. « Nous chercherons à mettre à jour l’OTAN afin qu’il subsiste derrière l’élargissement des démocraties de marché une sécurité collective essentielle », avait déclaré le conseiller à la sécurité nationale de Clinton, Anthony Lake, en 1993. Il s’est avéré très difficile pour les politiciens aux États-Unis de résister à ce cocktail de discours sur les marchés et la démocratie, associé à des intérêts géostratégiques : il semblait être un mariage parfait de réalisme et d’idéalisme.
À la fin de la décennie, seul un groupe zélé de va-t-en-guerre-froide – de l’homme d’État Paul Nitze à l’historien conservateur Richard Pipes – résistait encore à l’expansion de l’OTAN. Ceux qui avaient d’abord été sceptiques, tels que Joe Biden, ont visité l’Europe de l’Est et sont revenus à Washington convertis à la cause expansionniste. De même, les opposants républicains à la politique intérieure de Clinton, comme Newt Gingrich – qui avait lui-même emprunté 13 000 dollars à ses amis pour prendre un congé sabbatique en Europe pour écrire un roman sur l’OTAN (encore inachevé) – étaient maintenant pleinement d’accord avec l’expansion, qu’on avait dûment inscrit dans le manifeste républicain, le « Contrat pour l’Amérique ». Radicalisant la position de Clinton, ils voulaient seulement qu’il aille plus vite.
L’Ukraine est devenue un point d’intérêt particulier pendant les années Clinton et a été le troisième plus grand bénéficiaire de fonds de USAID au cours des années 1990, dépassé seulement par l’Égypte et Israël. Avant l’invasion de Poutine, elle avait reçu plus de 3 milliards de dollars; depuis que la Russie a envahi, les États-Unis ont déjà donné 14 milliards de dollars et 33 milliards de dollars de plus ont été promis. La formation des troupes ukrainiennes par l’OTAN a fortement augmenté au fil du temps. À partir de l’intervention militaire de Clinton dans la guerre du Kosovo en 1999, des troupes ukrainiennes ont fait partie de presque toutes les opérations menées par les États-Unis après la Guerre froide, y compris en Afghanistan et en Irak. La solide résistance de l’armée ukrainienne à l’assaut russe est peut-être moins surprenante qu’on le croirait : de larges segments de celle-ci sont entraînés par l’OTAN et capables d’utiliser efficacement ses armes.
Au moment où George W. Bush est arrivé au pouvoir en 2001, l’OTAN jouissait encore du lustre de sa guerre dans les Balkans, où il fait encore aujourd’hui la police d’un petit État de sa propre fabrication au Kosovo. À la suite des attentats du 11 septembre, lorsque l’administration Bush a invoqué l’article 5 pour la première fois, l’OTAN a ajouté à son portefeuille la coordination mondiale de la lutte contre le terrorisme, fermant presque les yeux sur la campagne antiterroriste nationale de la Russie, ainsi que sur les premières actions majeures de Pékin contre les Ouïghours dans la province du Xinjiang. Mais alors que Bush partageait la foi de Clinton dans le triomphe inévitable de l’American way, il voulait se débarrasser d’une partie de la prétention de l’OTAN. Si Washington était la seule puissance qui comptait au sein de l’OTAN et si l’humanité était déjà entrée dans un ordre mondial unipolaire, à quoi bon attendre que les désirs des États-Unis soient appuyés par les Belges?
La guerre de Bush en Irak a donc été menée malgré les critiques de certains membres de l’OTAN, tels que la France et l’Allemagne, dont les forces militaires réelles étaient considérées sans importance par Bush. Vous étiez soit avec les États-Unis, soit contre, pendant les années Bush, et de toute évidence, les Européens de l’Est étaient avec les États-Unis, et Bush voulait qu’ils soient généreusement récompensés. Malgré les avertissements de l’Allemagne et de la France, Bush n’a vu aucune raison de tenir compte des demandes russes de ne pas promettre à la Géorgie et à l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN, ce qu’il a fait en 2008. Dans cette période, au fur et à mesure que l’Europe de l’Est et Washington se rapprochaient, Varsovie, Budapest et Prague – où il y avait des nationalistes beaucoup plus à l’aise avec le nationalisme étasunien qu’avec le post-nationalisme vanté par Bruxelles – voyaient bien que Washington pouvait aussi servir d’allié utile dans leurs propres différends au sein de l’Union européenne.
Aujourd’hui, les alliés les plus fermes de Washington au sein de l’OTAN sont la Pologne et les pays baltes. S’ils sont obligés de choisir entre l’hégémonie de Berlin ou de Bruxelles, ou celle de Washington, pour les dirigeants d’Europe de l’Est, Washington gagne à chaque fois. Alors que la Grande-Bretagne s’est spécialisée dans l’accueil de capitaux russes, l’Allemagne dans la consommation d’énergie russe et que la France a toujours considéré la Russie comme un partenaire stratégique potentiel, la Pologne et les pays Baltes ne cessent de souligner la menace qui pèse sur leur souveraineté durement acquise. Washington en est venu à partager leur point de vue sur la Russie: il ne vaut plus la peine de « réinitialiser » les relations avec un pays irrécupérable. Pour de nombreux faucons à Washington, la Russie doit rester irrécupérable si l’OTAN veut continuer à pointer du doigt le vaste fossé qui sépare les États sous son aile des barbares à la porte. De ce point de vue, une Russie forte, libérale et démocratique aurait peut-être posé un défi encore plus grand à l’hégémonie étasunienne en Europe qu’une Russie autocratique, revancharde, mais ultimement faible.
Si les États d’Europe de l’Est sont convaincus que l’OTAN préserve leur souveraineté, il semblerait que l’inverse s’applique plus largement à l’Europe. Depuis l’élection de Donald Trump, lorsqu’Angela Merkel a annoncé que l’Europe pourrait un jour devoir s’occuper de sa propre sécurité, on s’attendait à ce que les États de l’UE se détournent de leurs protecteurs étasuniens, dont beaucoup, du moins en théorie, accueilleraient favorablement la perspective d’un partenaire européen plus fort. Mais dans la pratique, l’OTAN éloigne souvent les Européens de leurs propres intérêts autoproclamés. Déjà sous la pression des États-Unis pour avoir resserré ses liens énergétiques avec la Russie, l’Allemagne pourrait avoir besoin d’apaiser l’OTAN en envoyant des armes lourdes en Ukraine et en se coupant complètement de l’énergie russe. Cette division apparente entre les intérêts européens et ceux des États-Unis a continué de galvaniser une poignée de penseurs européens. En 2018, le grand homme de gauche allemand, Hans Magnus Enzensberger, a décrit l’OTAN comme un système tributaire avec des États membres et associés envoyant des offrandes périodiques de soldats pour les guerres de Washington. Son homologue français, Régis Debray, en écho à De Gaulle, a qualifié l’OTAN de « rien de plus que la subordination militaire et politique de l’Europe occidentale par les États-Unis ».
Pendant des années, en Europe, on a parlé très vaguement d’une nouvelle initiative appelée Identité européenne de sécurité et de défense, qui est en quelque sorte censée émerger, comme Athéna, de la tête de l’OTAN. Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie a révélé à quel point les mesures européennes en faveur de l’autonomie sont trompeuses et à quel point le verrou institutionnel de l’OTAN est profondément ancré sur le continent. « L’idée de l’autonomie stratégique de l’Europe va trop loin si elle nourrit l’illusion que nous pouvons garantir la sécurité, la stabilité et la prospérité en Europe sans l’OTAN et sans les États-Unis », déclarait déjà catégoriquement le ministre allemand des Affaires étrangères en 2020. Au contraire, la puissance et la pertinence de l’OTAN devraient augmenter dans les années à venir, et l’augmentation des dépenses de défense européennes, qui est encore minime par rapport à celles de Washington, signifie seulement qu’il y aura plus de matériel sous la responsabilité de l’OTAN. Des étendues du Sahel aux rives du Dniepr, il y a de moins en moins de marge de manœuvre sous la supervision de Washington.
Le problème de la volonté d’autonomie de la défense européenne n’est pas seulement qu’elle pourrait – comme le déploiement de la Communauté européenne de défense en 1952 – se retourner contre elle. Mais plutôt que, compte tenu de ce qu’est l’UE aujourd’hui, si elle parvenait à prendre une forme plus militarisée, ce ne serait guère une perspective réjouissante. Une armée européenne compétente patrouillant le Sahel à la recherche de migrants, appliquant un important système de rapatriement et obligeant les régimes d’Afrique et d’Asie à continuer d’être des points d’extraction de ses ressources et des réceptacles de ses déchets, ne servirait qu’à conférer à la « Forteresse Europe » le statut d’avant-garde du néolibéralisme xénophobe.
L’historien anglais EP Thompson a soutenu en 1978 que le « natopolitisme » était une forme extrême d’apathie, une pathologie enveloppée dans une idéologie vide qui ne savait qu’à quoi elle était opposée. Mais Thompson écrivait à une époque où les appels à abolir l’alliance n’étaient pas encore une incantation lassante. En 1983, le déploiement par l’Otan de missiles Pershing en Allemagne de l’Ouest pouvait encore susciter l’une des plus grandes manifestations de l’histoire allemande d’après-guerre. Mais si l’institutionnalisation de la corde raide de l’OTAN au-dessus du gouffre nucléaire était autrefois considérée comme un pari mortel par de nombreux citoyens des États de l’OTAN, aujourd’hui, les récentes guerres de l’OTAN en Libye et en Afghanistan se sont déroulées sans entrave nationale, malgré leur échec abject et ayant manifestement rendu le monde plus dangereux. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a offert à l’OTAN le plus grand sursis possible. Personne ne doute du soutien efficace de l’OTAN à la défense de son territoire par l’Ukraine, bien que la guerre ne soit pas encore terminée. La question la plus difficile est de savoir si l’OTAN est un corset de la guerre froide qui a limité la liberté de l’Occident – et mis en péril des populations autour du monde– plus qu’elle n’a assuré leur sécurité. À un moment où il n’y a jamais eu un aussi grand besoin d’un ordre mondial alternatif, l’OTAN semble fermer la porte à cette possibilité. L’OTAN est peut-être de retour. Mais peut-être seulement pour hisser la vieille bannière: « Il n’y a pas d’alternative ».
Thomas Meany est écrivain-en-résidence à la Société Max Planck, à Göttingen, en Allemagne.