36 membres de la société civile québécoise au Forum social mondial sur la paix à Sarajevo (juin 2014)
Une délégation québécoise de 36 personnes a participé au Forum social mondial sur les initiatives de paix et la sécurité humaine, qui s’est tenu à Sarajevo du 6 au 9 juin 2014.
Deux membres du Comité de suivi du Collectif Échec à la guerre — Mouloud Idir, du Centre Justice et Foi et Suzanne Loiselle de l’Entraide missionnaire — faisaient partie de cette délégation. Lire le communiqué publié par la délégation.
Suzanne Loiselle, membre du collectif. a rédigé un journal pour la délégation québécoise.
Sarajevo, 100 ans plus tard… Journal de la délégation québécoise au Forum social mondial – Sarajevo 6-9 juin 2014 (par Suzanne Loiselle)
Un peu d’histoire
Le 28 juin 1914, à Sarajevo, étaient assassinés l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois et son épouse la duchesse de Hohenberg par le militant serbe Gavrilo Princip. Ce double assassinat est considéré comme l’un des événements déclencheurs de la Première Guerre mondiale. Pour en commémorer le centenaire, diverses manifestations ont été prévues dans la capitale bosnienne, ville martyre de la récente guerre intercommunautaire (1992-1995) qui a fait 100 000 victimes.
Un Forum sur la paix
Loin des festivités officielles, par ailleurs très controversées, s’est déroulé, du 6 au 9 juin, le premier Forum social mondial sur la paix et la sécurité humaine. Organisé sous la responsabilité du Mreza za izgradnju mira (Réseau pour la paix de Bosnie-Herzégovine regroupant plusieurs dizaines d’associations du pays) et d’une Coordination internationale active depuis septembre 2012, ce Forum a attiré 2 500 personnes d’une soixantaine de nationalités. Coordonnée par les Initiatives internationales des YMCA du Québec et UNIAlter, une délégation québécoise de 36 personnes était présente à ce Forum international; Mouloud Idir du Centre justice et foi et Suzanne Loiselle de L’Entraide missionnaire, tous deux délégués du Collectif Échec à la guerre étaient du nombre.
S’inscrivant dans l’esprit et le processus des Forums sociaux mondiaux (FSM), tels que définis par la Charte des principes de Porto Alegre, ce Forum thématique était constitué d’une riche programmation centrée sur cinq grandes thématiques : 1) genre, femmes et paix; 2) militarisme et alternatives; 3) culture de paix et non-violence; 4) paix et justice sociale; 5) réconciliation et mémoire du passé. Sur ces thématiques, se sont tenus 5 tables-rondes et plus de 150 ateliers autogérés. Plusieurs autres événements ont été associés à ce Forum tels la Conférence sur les Femmes dans la guerre, une réunion des Collectivités locales pour la paix soutenue par des associations internationales d’élus, l’assemblée de Pax Christi international, une série d’activités culturelles, la tenue d’un camp de jeunes, etc.
Un monde sans armes ni militarisme
La volonté d’en finir avec le militarisme et la course aux armements a été affirmée tout au long de ce Forum et de façon particulièrement convaincante par Mairead Maguire, d’Irlande, prix Nobel de la Paix en 1976. Aussi bien lors de la cérémonie d’ouverture qu’à la table-ronde sur le militarisme, elle a appelé, à plusieurs reprises, à la dissolution de l’OTAN, à l’abolition du militarisme, à la réforme et au renforcement de l’ONU. Nous voulons un autre monde dans lequel l’humanité croit que le désarmement et la paix sont possibles… qu’une vision commune d’un monde sans armes, sans militarisme et sans guerres, est indispensable… Il ne peut y avoir de changement réel sans rejet total du militarisme. Si notre rêve commun est un monde sans armes ni militarisme, pourquoi ne le disons-nous pas? Pourquoi notre silence? Cela fera un monde de différences si nous refusons d’être ambivalents au sujet de la violence du militarisme… À la fin de son intervention, elle lançait cet appel : Faisons que Sarajevo, lieu où la paix s’est terminée, soit le lieu des débuts audacieux de l’appel universel pour la paix à travers l’abolition globale du militarisme.
Les femmes dans la guerre
Quant à la Conférence sur les Femmes dans la guerre au programme du Forum, l’un de ses objectifs était d’examiner différents aspects de la guerre à partir de la perspective de genre. Nationalisme, propagande de guerre, génocides, autant d’enjeux qui ont été analysés à partir de cette perspective. Plusieurs des ateliers auxquels j’ai participé au cours de cette conférence ont été consacrés au vécu des femmes dans divers conflits armés. Parmi les sujets traités, la résistance des femmes pendant le siège de Sarajevo, le combat des Femmes en noir de Serbie et les témoignages de plusieurs victimes lors des séances des Tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, ont suscité des échanges particulièrement bouleversants. Cette première Conférence sur les Femmes dans la guerre s’inscrit dans une série de conférences annuelles qui seront présentées entre 2014-2018 pour commémorer les divers rôles des femmes dans les conflits armés des cent dernières années. (www.womeninwar.org)
Le printemps bosnien
La Bosnie-Herzégovine a connu d’importants soulèvements populaires dans les mois qui ont précédé le Forum de Sarajevo. Ce vaste mouvement de protestations sociales qui a gagné rapidement plusieurs villes du pays a mobilisé bon nombre de chômeurs, de jeunes, d’intellectuels et d’artistes qui se sont vite rassemblés en plénums, véritables assemblées citoyennes au cours desquelles sont débattues des questions vitales pour la population. Des personnes actives dans ces plénums l’ont été également pendant le Forum; leurs présentations ont mis en évidence les forces et les faiblesses de ces nouvelles expériences de démocratie directe. Animés par ces expériences, les Bosniens ont mis en place des réseaux de solidarité pour faire face collectivement aux conséquences des pires inondations ayant frappé les Balkans depuis plus d’un siècle, celles-ci provoquant la mort de plusieurs personnes, le déplacement de dizaines de milliers d’autres et des dégâts matériels gigantesques estimés à plus d’un milliard d’euros.
L’appel à construire la paix
L’Assemblée de convergence tenue à la fin du Forum a permis d’esquisser les grandes lignes de l’agenda militant pour les prochains mois. Qu’il suffise de mentionner, entre autres, les mobilisations pour l’abolition de l’OTAN à l’approche du Sommet de cette Organisation au Pays de Galles en septembre prochain; la tenue d’une Journée mondiale contre l’utilisation des drones en octobre prochain; la tenue à Beyrouth, au printemps 2015, de la 2e conférence des Femmes dans la guerre; les prochains FSM à Tunis en 2015 et au Québec en 2016 sans oublier le Forum des peuples à Ottawa en août prochain! Autant de rendez-vous à ne pas rater pour propager l’appel du Forum de Sarajevo à s’opposer à toute guerre et à construire un monde sans armes ni militarisme.
Combien percutant est cet appel alors que les guerres prennent aujourd’hui tant de formes: purification ethnique, guerre contre « la terreur », occupations étrangères, interventions dites « humanitaires », luttes pour le contrôle des matières premières et des sources d’énergie, etc. En ce sens, le Forum de Sarajevo a constitué un espace privilégié pour dynamiser et internationaliser le mouvement anti-guerre.
Pour en savoir plus sur ce Forum, visitez son site: www.peaceeventsarajevo2014.eu
Pour conclure sur une note plus personnelle, je considère que, malgré les limites d’un tel Forum, y participer a été une chance unique. Vécue dans une ville inconnue et fascinante par son histoire, sa beauté et son multiculturalisme, cette expérience a été portée comme une urgence à poursuivre mon engagement en faveur de la paix et de la justice.
Suzanne Loiselle, L’Entraide missionnaire, déléguée du Collectif Échec à la guerre
Montréal, 3 juillet 2014
P.S. Ce petit texte reprend en grande partie l’article écrit pour L’EMI en bref, numéro 69, juillet 2014 – www.lentraidemissionnaire.org