Guerre et aide au développement : dangereux amalgame

Le mardi 16 janvier 2007

TRIBUNE LIBRE

Depuis déjà quelque temps, le gouvernement conservateur tente, par le biais d’une campagne de communication fort bien orchestrée, de faire croire aux Canadiens et aux Canadiennes que la guerre dans laquelle est engagé le Canada en République islamique d’Afghanistan a d’abord et avant tout des objectifs liés au développement des populations.

Au cours des derniers jours, le gouvernement conservateur a multiplié les annonces d’investissement en aide publique pour l’Afghanistan (20 millions au cours de la dernière semaine). À lire l’entrevue de la ministre Verner (La Tribune, 12 janvier 2006), nous aurions cru entendre la responsable d’une ONG parler de programmes de développement qui se dérouleraient dans un pays somme toute assez stable. Ce que madame Verner a omis de mentionner dans son entrevue est le fait que l’aide qu’apporte le Canada à l’Afghanistan (1 milliard de dollars sur 10 ans est accordée majoritairement via les militaires canadiens. (…)

La confusion des rôles entre l’humanitaire et le militaire a des implications sérieuses. Elle permet l’instrumentalisation de l’aide humanitaire au service d’intérêts politiques et partisans, ce qui est dangereux et inacceptable. Cette approche canadienne en Afghanistan semble confirmer les appréhensions contenues dans le « Bilan de l’aide 2006 », où on indique que le Canada est partie prenante des pays membres de l’OCDE qui veulent élargir la définition de l’aide internationale afin d’y inclure les aspects militaires et de sécurité. Cela signifierait que les dépenses militaires pourraient dorénavant être comptabilisées au chapitre de l’aide publique au développement, alors que déjà la disproportion entre les dépenses militaires et les programmes de coopération internationale demeurent un scandale criant. Peut-être est-ce là le moyen qu’a trouvé le gouvernement conservateur pour atteindre le 0,7 % du PNB consacré à l’aide internationale!

La politique canadienne en République islamique d’Afghanistan est assez claire. Sur le site du gouvernement du Canada il est clairement identifié que le Canada maintient sa présence en Afghanistan pour : défendre ses intérêts nationaux (lesquels?); s’assurer de jouer un rôle de leadership dans les dossiers mondiaux; et aider l’Afghanistan à se reconstruire.

Essayez, à votre tour, de trouver des explications claires, précises et cohérentes sur les deux premiers points. Quant au troisième point soulevé, il s’agit d’une série de projets mis en oeuvre notamment par les équipes provinciales de reconstruction qui sont le bras humanitaire de l’armée canadienne.

Soyons clairs, les organisations de la société civile qui demandent le retrait des troupes canadiennes en Afghanistan ne veulent pas laisser tomber le peuple afghan. Seulement, nous pensons qu’il est utopique de croire que l’armée canadienne, qui a actuellement un rôle offensif, peut jouer également un rôle « humanitaire » constructif. Par ailleurs, redéfinir le mandat actuel de l’armée canadienne nous semble une tâche difficile. Nous pensons donc que l’armée canadienne doit se retirer progressivement d’Afghanistan pour faire place à une force de paix multinationale composée de pays n’ayant pas participé à l’actuelle invasion. (…)

Enfin, nous croyons donc qu’au-delà de la présence canadienne en Afghanistan, un véritable débat doit s’engager par rapport au rôle du Canada dans le monde. Débat auquel les citoyens canadiens de tous horizons doivent pouvoir participer.

Marco Labrie

Directeur général
Carrefour de solidarité internationale