Montréal, mercredi 8 octobre 2014 – Le gouvernement Harper, majoritaire, entraîne le Canada dans une nouvelle guerre, au sein de la plus récente coalition mise en place par les États-Unis, cette fois-ci pour combattre le « groupe armé État islamique » (EI). Le Collectif Échec à la guerre rejette les prétextes sécuritaires ou humanitaires invoqués par les nouveaux coalisés et dénonce cette participation du Canada à une nouvelle agression occidentale illégale.
Soyons clairs d’abord sur une chose : nous sommes tout-à-fait d’accord pour considérer que les forces de l’EI sont responsables de crimes ignobles : massacres de minorités, décapitations ostentatoires d’otages, etc.
Malgré cela, il est faux de penser que l’EI représente une menace pour la sécurité internationale et pour celle du Canada. Et la prétention de nos gouvernements de « protéger les civils vulnérables et innocents de la région » en procédant à des bombardements ne résiste pas à une analyse un tant soit peu sérieuse.
Depuis 1991, ce sera la troisième guerre des États-Unis contre l’Irak, à la tête de diverses coalitions : aucun pays ni aucune force n’a jamais semé autant de destruction et massacré autant de « civils vulnérables et innocents » en Irak que les États-Unis. Les crimes de Saddam Hussein, terrible dictateur sans l’ombre d’un doute, palissent au regard des leurs. D’autre part, ce sont des fidèles alliés des États-Unis dans la région qui ont, depuis longtemps, armé et appuyé l’EI et d’autres groupes djihadistes en Irak et en Syrie ou qui leur ont permis de transiter par leurs frontières, le tout dans le but qu’ils renversent le régime Assad. Pendant toute cette période, on n’a surtout pas braqué les projecteurs des médias sur les crimes que ces forces commettaient et les marchands d’armes, y compris ceux du Canada, ont continué de faire de bonnes affaires…
L’intervention militaire à laquelle le Canada va participer est illégale au regard du droit international. La Charte des Nations-Unies stipule en effet que le Conseil de sécurité doit être saisi de toute « menace à la paix et à la sécurité internationale » et que c’est à cette instance qu’il revient de prendre les mesures appropriées. Le fait que l’Irak ait appelé à l’aide ne fournit aucune justification à ce qu’un groupe de pays se lance en guerre dans la région, en profitant même pour bombarder un autre pays, la Syrie. La mise en place de cette coalition et la participation canadienne ne font que contribuer à l’effritement de plus en plus grand de l’ordre international mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. De façon tout-à-fait malhonnête, la résolution conservatrice à la Chambre des Communes tente de conférer une légitimité à sa décision en faisant référence à la résolution 2178 du Conseil de sécurité; or cette résolution traite des combattants djihadistes étrangers et n’a rien à voir avec la coalition mise en place par les États-Unis.
Les frappes aériennes des nouveaux coalisés et la fourniture d’armes plus sophistiquées aux forces armées irakiennes et kurdes ne contribueront en rien à améliorer la situation dans cette région du monde, déjà complètement ravagée par la guerre. Bien au contraire, elles provoqueront plus de morts, de souffrances et de destruction. Elles approfondiront les divisions et intensifieront les « nettoyages » ethniques.
Le « groupe armé État islamique » contrôle un très large territoire par rapport à l’importance réelle de ses effectifs. Une des raisons de cette situation est l’appui, au moins tacite, dont il jouit de la part de l’importante minorité sunnite en Irak. En effet, depuis 2003, cette minorité a été l’objet de politiques sectaires et de terribles agressions militaires, d’abord de la part des forces d’occupation étasuniennes puis du pouvoir central shiite à Bagdad, appuyé et armé par les États-Unis. Le ressentiment de cette minorité a été canalisé en appui à l’EI. Des interventions qui viseraient à satisfaire certaines revendications sunnites contribueraient à atténuer ce ressentiment et affaiblirait l’EI. Les bombardements des coalisés auront l’effet contraire.
Le Collectif Échec à la guerre dénonce depuis quelque temps déjà la montée du militarisme au Canada. Le dénigrement des Nations Unies et la guerre s’affirment de plus en plus comme éléments centraux de la politique étrangère du gouvernement Harper. Même si nous approuvons, évidemment, les votes d’opposition du PLC, du NPD, du Parti Vert et du Bloc Québécois, nous déplorons la faiblesse de leurs argumentaires mettant trop l’accent sur la durée éventuelle de l’intervention, son possible « enlisement », etc. Et nous trouvons complètement contradictoire l’amendement proposé par le NPD qui aurait vu le Canada faire de l’humanitaire et… livrer des armes !
Le Collectif Échec à la guerre invite les Québécois et les Québécoises à faire connaître leur opposition à la participation canadienne à cette guerre par tous les moyens à leur disposition. Un appel à une manifestation de protestation à Montréal sera bientôt lancé.