Le dirigeant de l’Association qui vise l’abolition des armes nucléaires dénonce les souffrances infligées à Gaza, après avoir obtenu le Prix Nobel de la Paix
Par Julia Conley, Common Dreams, 11 octobre 2024
Article original en anglais / Original article in English – [Traduction : Jacques Grenier; révision : Échec à la guerre]
Toshiyuki Mimaki a dit qu’il avait cru que ce serait « les gens qui travaillent si fort à Gaza » qui recevraient le Prix, faisant allusion aux travailleurs et travailleuses humanitaires de l’UNRWA

Appelant à la paix dans les zones de guerres partout dans le monde et à stopper la prolifération des armes nucléaires, une association citoyenne mise sur pied par des personnes irradiées survivantes du bombardement atomique, par les États-Unis, d’Hiroshima et de Nagasaki, en 1945, a reçu, vendredi, le Prix Nobel de la Paix.
Nihon Hidankyo a été établie en 1956, alors qu’un certain nombre d’organisations locales de hibakusha, l’appellation désignant, en japonais, les « personnes irradiées », se sont fédérées.
Toshiyuki Mimaki, dirigeant du groupe, avait 3 ans lorsque les États-Unis ont tué 100 000 personnes à Hiroshima par le moyen d’une bombe nucléaire. Et son message, en apprenant que Nihon Hidankyo était le récipiendaire du Prix Nobel a été simple et direct.
« Je ne suis pas bien sûr d’être encore en vie l’an prochain, déclarait Mimaki qui a actuellement 82 ans. Je vous en prie, abolissez les armes nucléaires pendant que nous sommes toujours vivants. C’est ce que veulent les 114 000 hibakusha. »
Mimaki ne s’est pas borné uniquement à évoquer le sort tragique des quelque 650 000 Japonaises et Japonais survivants des attaques contre Hiroshima et Nagasaki. Il a de plus mis l’accent sur tous ceux et toutes celles – particulièrement les enfants – qui font présentement face à la guerre.
« On a dit que, grâce aux armements nucléaires, le monde maintient la paix. Mais les armes nucléaires peuvent être utilisées par des terroristes, a soutenu Mimaki. Si la Russie, par exemple, les emploient contre l’Ukraine, ou Israël contre Gaza, ça ne s’arrêtera pas là. Les politiciens devraient savoir ça. »
« À Gaza, des enfants qui saignent sont étreints par leurs parents, a-t-il ajouté. C’est comme au Japon il y a 80 ans. »
Mimaki a dit qu’il avait cru que ce serait « les gens qui travaillent si fort à Gaza » qui obtiendraient le Prix de la Paix, faisant ici allusion à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), organisation pareillement présentée candidate à l’attribution du Prix.
L’agence onusienne s’est débattue, cette année, pour pouvoir continuer à offrir des services humanitaires aux Palestiniens de Gaza, après que des allégations non avérées portées par Israël, selon lesquelles douze employés de l’UNRWA auraient été impliqués dans l’attaque menée par le Hamas l’an dernier, avaient incité des pays, incluant les États-Unis, à suspendre leur financement. Une majorité de ces pays – mains non pas les États-Unis, plus gros contributeur à l’agence – ont depuis rétabli leur financement après qu’une enquête indépendante ait conclu qu’Israël n’avait pas réussi à fournir les preuves de l’accusation.
Kazumi Matsui, le maire d’Hiroshima, a affirmé qu’étant donné la moyenne d’âge actuelle des hibakusha, qui est de 85 ans, « il y a de moins en moins de personnes en mesure de témoigner de l’absurdité de détenir l’arme atomique, du mal absolu. »
« Les gens des générations à venir, poursuit Matsui, doivent savoir que ce qu’il s’est produit n’est pas une tragédie touchant uniquement Hiroshima et Nagasaki, mais que c’est une tragédie qui concerne toute l’humanité, une tragédie qui ne doit pas être répétée.
« La Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (CIAN), elle-même récompensée du Prix Nobel 2017 pour ses efforts en vue d’assurer que les pays donnent suite au Traité des Nations Unies sur la prohibition des armements nucléaires, a applaudi le comité Nobel pour le fait d’avoir reconnu « le labeur de vies entières visant à attirer l’attention du monde sur ce que les armes nucléaires font réellement aux gens lorsqu’on en fait usage. »
Quelques années après les bombardements nucléaires, les taux de diagnostics de leucémie se sont considérablement accrus au Japon, parmi les survivants. Après dix ans, d’autres types de cancer encore étaient détectés à des taux supérieurs à la normale. Les femmes enceintes exposées à la radiation générée par les bombardements révélaient aussi des taux élevés de fausses couches, et leurs nourrissons se trouvaient plus à risque de décéder.
Les taux de cancer ont continué de progresser parmi la population de hibakusha tout au long de leur existence.
« Cela revêt une signification particulière que l’attribution intervienne en ce moment précis où le risque que l’arme nucléaire soit de nouveau utilisée est aussi élevé, sinon plus qu’il ne l’a jamais été », a déclaré Melissa Parke, la directrice exécutive à la CIAN.
Au moment même où Nihon Hidankyo se voyait honoré « pour ses apports à l’avènement d’un monde libre d’armes nucléaires, et pour la démonstration faite, à travers la parole de témoins directs, que les armes nucléaires ne doivent jamais plus être utilisées, » l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) annonçait la tenue de son exercice nucléaire, Steadfast Noon, le 14 octobre, en Europe occidentale.
À Democracy Now, ce vendredi, Joseph Gerson, président de la Campagne pour la paix, le désarmement et la sécurité commune, a déclaré que l’attribution du Prix « ne pouvait pas intervenir à un meilleur moment ».
« Ce que la plupart des gens ne comprennent pas, c’est le danger accru d’une guerre nucléaire actuellement, a dit Gerson. Parmi les puissances nucléaires, le seuil limitant le risque d’un déclenchement nucléaire se trouve maintenant rabaissé, et toutes les puissances nucléaires sont en processus de soi-disant ‘‘modernisation’’ de leurs arsenaux nucléaires. Nous nous trouvons à un moment excessivement dangereux. »
« Nous devons, comme les hibakusha l’affirment, reconnaître que les êtres humains et les armes nucléaires ne peuvent pas coexister, ajoute Gerson, et nous nous devons de travailler à les abolir. »