Lettre de Martine Lacroix du 9 novembre 2017 : Il faut se souvenir du coquelicot blanc

Il faut se souvenir du coquelicot blanc

Lettre de Martine Lacroix, publiée le 9 novembre 2017dans le journal Le Devoir, ainsi que dans le journal Métro et dans le Soleil.
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/512742/il-faut-se-souvenir-du-coquelicot-blanc

À part les élus de Québec solidaire, pourquoi ne voit-on pratiquement jamais de politiciens arborant le coquelicot blanc en mémoire des victimes militaires mais aussi civiles des guerres ?

D’une part, le coquelicot blanc témoignerait de la sensibilité de nos élus à l’égard des victimes civiles, ces êtres humains qu’on qualifie, irrespectueusement, de « dommages collatéraux ». D’autre part, si nos représentants portaient le coquelicot blanc, cela inciterait peut-être la population à s’intéresser davantage aux victimes innocentes, celles qui ne manient souvent aucune arme. Cela leur ferait aussi réaliser qu’après 1945, les conflits ont continué d’embraser la planète.

Ne trouvez-vous pas qu’en ce moment, il y ait lieu de s’inquiéter en raison des tensions qui existent entre les États-Unis et la Corée du Nord ? Au moins, quelques organismes ne lâchent pas prise et luttent avec vigueur pour l’abolition des armes nucléaires. Les membres de l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) méritent amplement leur prix Nobel de la paix.

En terminant, Justin Trudeau, Philippe Couillard et Valérie Plante ont entre leurs mains un véritable coquelicot blanc. Je le sais, c’est moi qui leur ai fait parvenir…

Martine Lacroix, Montréal

NDLR: Deux des commentaires inscrits sous la lettre de Martine Lacroix, dans Le Devoir en ligne (consulté le 12 novembre 2017)

De quoi doit-on se souvenir?

On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels (Anatole France).

Voilà ce que la propagande guerrière oublie de nous dire. Au lieu de GLORIFIER LA GUERRE avec des termes comme «courage, héros, gloire, médailles, etc.» (symbolisés par le coquelicot rouge) et des cérémonies protocolaires qui cachent sa réalité morbide, le jour du souvenir devrait nous rappeler ses HORREURS, avec des mots comme « mort, famine, amputation, déportation, cynisme, réfugiés, etc. » et la vision cachée des vies brisées et des nombreuses souffrances qu’elle engendre.

Comme nous le rappelle Patrick Le Moal, la guerre de 14-18, c’est une guerre totale qui fera 20 millions de morts, pour moitié des civils, des millions de déplacés, une guerre industrielle longue, avec une intensité et brutalité sans pareille, mobilisant toutes les populations. Et comme si la leçon n’avait pas servie, la Seconde Guerre mondiale fera 60 millions de morts, dont deux tiers de civils, et 40 millions de déplacées.

C’est un déferlement de violence instauré, organisé, entretenu, légitimé au nom d’intérêts supérieurs, ceux des pouvoirs en place. Elle provoque une évolution profonde dans les classes populaires. Se retrouvent, dans la boue des tranchées, les ouvriers et les paysans unifiés dans l’horreur des offensives inutiles, des gaz de combat, des tirs d’artillerie. Ils sont sous les ordres des aristocrates, les nobles russes ou prussiens, mais aussi des élites bourgeoises de notre société capitaliste.

On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels. L’inégalité devant la mort est aussi l’inégalité dans l’organisation de la société. La façon dont les riches, les possédants sont planqués et font des fortunes dans les industries de guerre est insupportable alors qu’on endort les travailleurs en les couvrant de « médailles » pour leur faire oublier les véritables enjeux du conflit.

Des deux côtés du Rhin, les bénéfices explosent pour quelques grandes entreprises. Dès les premiers mois d [NDLR: le texte est coupé]

Marcel Gilbert

11 novembre 2017 11 h 21

Devoir de Souvenir

Le coquelicot rouge me fait systématiquement penser au poème d’Arthur Rimbaud, Le dormeur du Val. Il ressemble au trou rouge qui apparait quand une balle de fusil déchire les chairs du soldat.

Le coquelicot rouge doit être respecté. Mais le coquelicot blanc, symbole de la mémoire de l’ensemble des victimes de la guerre, «des militaires et des civils, de toutes les personnes tuées, blessées, emprisonnées, déplacées, réfugiées, violées» me semble bien plus fort.

Et si on veut vraiment se souvenir, relire par exemple, À l’Ouest rien de nouveau, Au revoir là-haut, ou encore toute l’œuvre de Jacques Tardi sur 14-18.

Enfin, il faut bien se souvenir comment se termine chaque fois une journée de guerre:

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit

Arthur Rimbaud

Jérôme Faivre

11 novembre 2017 11 h 43