Lettre du 21 septembre 2016 – Le Canada, défenseur de la paix… vraiment?

Ce texte a été signé par des personnalités publiques du Québec. Il a été publié le 21 septembre 2016 dans Le Devoir de même que dans le journal La Presse et dans Le Métro.

Le Canada, défenseur de la paix… vraiment?

Cette année, la Journée internationale de la paix (21 septembre) coïncide avec l’annonce par le gouvernement Trudeau du retour du Canada aux opérations onusiennes de maintien de la paix. Promesse électorale oblige avec un budget sur trois ans de 450 millions de dollars et une contribution en effectifs de 600 soldats et de 150 policiers!

Pourtant, le monde a bien changé et s’est dangereusement militarisé depuis Lester B. Pearson. Le commerce mondial des armes supplante les missions de paix, les dépenses militaires atteignant la somme colossale de 1676 milliards de dollars en 2015, alors que les opérations de maintien de la paix coûtent annuellement 8 milliards de dollars. Se retrouvant aujourd’hui au 67e rang des pays contributeurs de Casques bleus et par ailleurs au 2e rang des exportateurs d’armes au Moyen-Orient, le Canada n’a pas à pavoiser, ni sur son engagement dans les missions de paix, ni sur leur efficacité pour résoudre les conflits.

Le gouvernement Trudeau a plutôt choisi d’appuyer la plus grande foire commerciale canadienne de l’industrie de guerre tenue à Ottawa en mai dernier. De plus, malgré une vive opposition citoyenne, il a maintenu le contrat de vente de « véhicules blindés légers » pour plus de 15 milliards de dollars à l’Arabie saoudite, un des plus grands violateurs des droits de la personne. Ce pays se retrouve à la tête d’une coalition qui bombarde le Yémen depuis des mois. Résultats : plus de trois millions de Yéménites déplacés, majoritairement à l’intérieur des frontières du pays, 7 000 personnes tuées et 30 000 autres blessées. En janvier dernier, l’ONU confirmait que l’Arabie saoudite était en tête de liste des destinations des exportations militaires canadiennes. En fournissant des armes à l’Arabie saoudite, le Canada alimente honteusement la guerre au Yémen et se fait complice de l’une des pires crises humanitaires sévissant actuellement dans le monde.

Vers une nouvelle politique canadienne de défense

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, nous avons assisté à une montée inquiétante du militarisme alors que le Canada renforçait son partenariat avec les États-Unis au nom de la « guerre contre le terrorisme ».

15 ans plus tard, en avril dernier, le gouvernement Trudeau par la voix du ministre canadien de la Défense a lancé une consultation publique, en vue d’élaborer une nouvelle politique de « défense ». Se déroulant en bonne partie pendant la pause estivale, cette consultation qui s’adressait avant tout aux dits « experts » en matière de défense n’était en rien publique. La participation citoyenne était envisagée strictement sur une base individuelle et aucune organisation de la société civile n’a été formellement consultée.

Plusieurs aspects du document de consultation sur la politique canadienne de défense contrastent étrangement avec l’annonce récente des engagements du Canada en faveur des opérations onusiennes de paix Le document soulève la possibilité d’un réexamen de la décision prise par le Canada en 2005 de ne pas participer au bouclier antimissile des États-Unis et projette de doter les forces canadiennes de drones armés pour des missions offensives.

De plus, ce document de consultation ne remet nullement en question l’implication canadienne dans des missions offensives ni dans les déploiements militaires en Ukraine, en Libye ou ailleurs. Au contraire, ces interventions sont présentées comme des contributions « à la paix et à la sécurité internationales » en protégeant les Canadiennes et les Canadiens et en défendant les intérêts nationaux sans jamais les préciser.

Finalement, ce document ne fait aucune analyse des guerres d’agression dans lesquelles le Canada a été impliqué, même pas celle menée en Afghanistan durant 13 années. Ce qui contraste fortement avec le rapport Chilcot dont les conclusions en regard de l’invasion de l’Irak en 2003 ont été rendues publiques à Londres en juillet dernier. Ce rapport conclut que Saddam Hussein ne présentait pas une menace imminente, que l’existence des prétendues armes de destruction massive a été présentée avec une certitude qui n’était pas justifiée, que la stratégie de l’endiguement aurait pu continuer de s’appliquer pour un certain temps, etc. Bref, que cette guerre n’aurait pas dû avoir lieu — tout comme celle en Afghanistan d’ailleurs.

Appel à nos concitoyen.ne.s

Il est illusoire de faire la promotion de missions de paix sans s’opposer aux missions offensives menées au sein de l’OTAN. Il est tout aussi vain de prôner la paix sans dénoncer la participation du Canada au commerce mondial des armements et sans exiger maintenant un débat public sur sa nouvelle politique de défense.

Jusqu’au Jour du Souvenir, pour signifier l’opposition citoyenne aux visées militaristes du gouvernement Trudeau, nous porterons le coquelicot blanc. Nous invitons chaleureusement tous ceux et celles qui aspirent à un monde sans guerre à le porter en mémoire de toutes les victimes, majoritairement civiles, des conflits armés.

LISTE FINALE DES SIGNATAIRES :

  1. Paul Ahmarani, acteur
  2. Omar Aktouf, professeur titulaire HEC Montréal
  3. Suzanne Audette, vice-présidente et responsable de la solidarité internationale, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN
  4. François Avard, auteur
  5. Émilie Beauchesne, militante féministe
  6. Luc Benoit, chargé de cours, Université du Québec à Trois-Rivières
  7. Dominique Boisvert, écrivain
  8. France Bourgault, pour L’R des centres de femmes du Québec
  9. Serge Bruneau, écrivain
  10. Raphaël Canet, professeur, École de développement international et mondialisation, Université d’Ottawa
  11. Dominic Champagne, auteur et metteur en scène
  12. Collectif de Québec pour la paix
  13. Denise Couture, professeure titulaire, Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal
  14. Donald Cuccioletta, historien, spécialiste de la politique américaine
  15. Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN
  16. Françoise David, députée de Gouin, Québec solidaire
  17. Ferdinand Djayerombe Vaweka, président, Antennes de paix
  18. domlebo, artiste
  19. Martin Duckworth, cinéaste
  20. Ariane Émond, journaliste indépendante et animatrice
  21. Aziz Fall, président, CIRFA
  22. Andrés Fontecilla, président, Québec solidaire
  23. Jimmy Forgues, coordonnateur, Solidarité populaire Estrie
  24. Élisabeth Garant, directrice, Centre Justice et Foi
  25. Lorraine Guay, citoyenne
  26. André Jacob, professeur associé, Université du Québec à Montréal
  27. Pierre Jasmin, Artistes pour la paix
  28. Robert Jasmin, juriste et écrivain
  29. Marc-Édouard Joubert, président, Conseil régional FTQ Montréal métropolitain
  30. Molly Kane, coordonnatrice, L’Entraide Missionnaire
  31. Jooneed Khan, journaliste, écrivain et militant de droits humains
  32. Kelly Krauter, membre du CA, Conscience Canada
  33. Danièle Lacourse, réalisatrice
  34. Ève Lamont, réalisatrice
  35. Régine Laurent, présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec−FIQ
  36. Jean-François Lessard, vice-président du SECAL, Cégep André-Laurendeau
  37. Abby Lippman, professeure émérite, Université McGill
  38. Suzanne Loiselle, répondante, Sœurs Auxiliatrices
  39. Alain Long, président, Syndicat du personnel enseignant du Collège Ahuntsic (SPECA)
  40. Alain Marois, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
  41. Gilles Marsolais, homme de théâtre
  42. Serge Mongeau, écrivain et éditeur
  43. Christian Nadeau, président, Ligue des droits et libertés
  44. Ed Napier, Project Ploughshares Montréal
  45. Amélie Nguyen, militante en solidarité internationale
  46. Mike Palecek, président, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes
  47. Nathalie Picard, présidente du SECAL, Cégep André-Laurendeau
  48. Maude Prud’homme, présidente, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
  49. Mercédez Roberge, militante pacifiste
  50. Louis Rousseau, professeur associé, sciences des religions, UQAM
  51. Guy Roy, pour le Parti communiste du Québec
  52. François Saillant, coordonnateur, FRAPRU
  53. Isabelle Samson, coordonnatrice, Solidarité Nord-Sud des Bois-Francs
  54. Mélanie Sarazin, présidente, Fédération des femmes du Québec (également au nom de la Marche mondiale des femmes au Québec)
  55. Caroline Senneville, présidente, Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
  56. Caroline Toupin, coordonnatrice, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ)
  57. Carmina Tremblay, La collective des femmes féministes et chrétiennes L’autre Parole

VERSION ANGLAISE – NON PARUE

Canada, defender of the peace… seriously?

This year, International Day of Peace (September 21st) will coincide with the Trudeau government’s announcement stating Canada’s renewed involvement in UN peacekeeping operations. Making good on this campaign promise requires a budget of 450 million over 3 years, as well as 600 soldiers and 150 police officers!

However, the world has changed since the time of Lester B. Pearson, the Canadian diplomat and “father” of modern peacekeeping forces. Today’s global context is drastically more militarized. Arms deals have replaced peace missions; military spending has reached 1 676 billion globally. Meanwhile, peacekeeping operations cost only 8 billion annually. Canada’s contribution to UN Peacekeeping is ranked 67th. Compare that to Canada’s role as the 2nd most important arms trader with the Middle East. There is nothing to brag about here.

Despite marked citizen opposition, the Trudeau government has chosen to deliver on its 15 billion dollar tank contract with Saudi Arabia, a known human rights violator. This country heads a coalition responsible for bombing Yemen for months. The aggression has displaced 3 million internally, killing 7 thousand and wounding another 30 thousand. In January of this year, the UN confirmed that Saudi Arabia is the primary destination of Canadian military exports. This fact implicates Canada in facilitating one of the worst current humanitarian crises.

Toward a new Canadian Defense Policy

Last April, the Trudeau government launched a public consultation to develop a new national defense policy.  The consultation took place during the summer, involving self-proclaimed “experts” on defense matters, and was anything but “public” or inclusive. Citizen participation was strictly limited to individuals; no public organization was consulted.

Many aspects of the consultation document fly in the face of what one would expect of a genuine defender of the peace.  The document mentions the possible reexamination of Canada’s decision in 2005 to not participate in the US missile defense shield, as well as the intention to provide the Canadian Forces with armed drones for offensive missions.

What more, the consultation document never questions Canada’s involvement in the war in Afghanistan, its military deployments in the Ukraine, Libya or elsewhere. On the contrary, these interventions are framed as contributions to “international peace and security” which protect Canadians and defend unspecified national interests.  

Call out to citizens

It is disingenuous to promote peace missions all while participating in NATO interventions. It is equally false to advocate for peace while trading arms without a public debate.

Until Remembrance Day, show your opposition to the Canadian government’s militarism by wearing a white poppy. We happily welcome those who aspire to a world without war to wear the white poppy in memory of all victims of armed conflict. most of whom are civilian.