Selon un rapport des Nations-Unies, d’ici fin 2019, le bilan des morts au Yémen surpassera les 230 000
Une étude révèle que plus de Yéménites meurent des effets secondaires de la guerre que des combats.
Par James Reinl, Middle East Eye, le 26 avril 2019
Texte original en anglais – [Adaptation française : Geneviève Manceaux, écrivain; révision : Échec à la guerre]
De nouvelles statistiques émanant de l’ONU – selon lesquelles la guerre au Yémen a tué bien plus de personnes qu’il n’a été rapporté antérieurement – établissent à 102 000 le nombre de vies qui auront été fauchées par les combats à la fin de 2019.
Un rapport commandé par l’ONU à l’Université de Denver révèle par ailleurs que davantage de Yéménites sont morts de faim, de maladie et du fait de la pénurie de cliniques médicales ou autres infrastructures que de la guerre elle-même. Intitulé Assessing the impact of War on Development in Yemen (Étude d’impact de la guerre sur le développement au Yémen), ce rapport de 68 pages évalue à environ 131 000 le nombre de décès provoqués par des effets secondaires du conflit entre 2015 et la fin de 2019. Le bilan combiné des morts dues et aux combats et à la maladie est de 233 000, soit 0,8% de la population du Yémen, qui s’élève à 30 millions. Selon les mêmes chercheurs, ces cinq années de conflit auront coûté 89 milliards de dollars à l’économie du pays.
« Cela dépasse les prévisions, a déclaré Jonathan Moyer, professeur assistant et auteur principal du Rapport, à la revue en ligne Middle East Eye. Ce conflit compte parmi ceux qui ont eu le plus sérieux impact à l’interne depuis la fin de la Guerre froide. Il se compare aux guerres en Irak, en Sierra Leone, au Libéria et en République démocratique du Congo, dont la durée d’impact sur le développement équivaut à une génération. »
D’après le professeur Moyer, la grande majorité des victimes du conflit au Yémen sont des enfants de moins de cinq ans. La guerre elle-même, mais aussi ses effets secondaires, tuent un enfant toutes les onze minutes et cinquante-quatre secondes, affirme le Rapport.
Le professeur Moyer conclut : « Davantage peut être fait pour arrêter ce conflit ; davantage devrait être fait. »
L’équipe du professeur Moyer s’est également livrée à une projection, calculant les pertes yéménites en cas de prolongation de la guerre jusqu’en 2030. Si les combats se poursuivaient jusque-là, le bilan des décès atteindrait 1,8 millions, l’économie aurait perdu 657 milliards de dollars, 84% des Yéménites seraient malnutris et 71% d’entre eux vivraient dans des conditions d’extrême pauvreté, prédisent les chercheurs.
Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, souligne que le conflit en cours au Yémen y a déjà retardé de 21 ans le développement humain. « Le Rapport, avertit-il, met en garde contre l’accroissement exponentiel de l’impact de ce conflit sur le développement humain. Il prévoit que, si la guerre se termine en 2022, les gains en développement enregistreront un recul de 26 années, soit presque une génération ».
L’Arabie Saoudite dirige une coalition militaire soutenue par l’Occident, qui est intervenue au Yémen en 2015 afin de restaurer le gouvernement du président Abd Rabbuh Mansour Hadi, chassé du pouvoir dans la capitale, Sanaa, par les rebelles houthis en 2014.
À la faveur de pourparlers tenus à Stockholm en décembre dernier sous l’égide de l’ONU, les parties engagées dans ce conflit sont parvenues à s’entendre sur un cessez-le-feu et un retrait des troupes de la ville portuaire d’Hodeïda, au bord de la Mer rouge, ville jouant un rôle vital dans l’approvisionnement en nourriture, en carburant, en médicaments et autres formes d’aide auprès de millions de Yéménites.
La trêve a généralement tenu bon, mais le redéploiement des soldats s’est interrompu, chaque partie accusant l’autre d’avoir fait dérailler l’accord, première percée importante dans les efforts de paix de plus de quatre années consacrées à la recherche d’une solution politique élargie.
Le conflit, qui a conduit la nation la plus pauvre de la péninsule arabique au bord de la famine, est largement vu comme une guerre par procuration entre l’Arabie Saoudite et l’Iran – alors que les Houthis nient recevoir le soutien de Téhéran.
« Le degré de souffrance infligée aux enfants du Yémen est dévastateur, clame le Rapport. La communauté internationale doit se rassembler afin d’assurer une solution pacifique à ce conflit et de promouvoir une voie vers la reconstruction. »