Sur fond de tensions nucléaires, Donald Trump menace d’anéantir l’Iran tout en réimposant des sanctions (traduction)

Sur fond de tensions nucléaires, Donald Trump menace d’anéantir l’Iran tout en réimposant des sanctions

Par Alexis Sterling, Nation of Change, 7 février 2025
Texte original en anglais [Traduction : Claire Lapointe; révision : Claire Lalande]

Les tensions entre les États-Unis et l’Iran s’intensifient à mesure que Trump multiplie menaces et sanctions, assorties d’une éventuelle négociation.


« Sur fond de tensions nucléaires, Donald Trump menace d’anéantir l’Iran tout en réimposant des sanctions »
« Sur fond de tensions nucléaires, Donald Trump menace d’anéantir l’Iran tout en réimposant des sanctions », Nation of Change, 7 février 2025

En bref :

●  Donald Trump a signé un décret réimposant des sanctions à l’encontre de l’Iran. Il relance ainsi sa stratégie de « pression maximale » tout en faisant miroiter la possibilité d’un nouvel accord nucléaire.

●  Il a menacé « d’anéantir » l’Iran si on tentait de l’assassiner, déclarant : « Il ne restera plus rien [de ce pays]».

●  Le Trésor étasunien a annoncé de nouvelles sanctions visant le secteur pétrolier iranien et ses sociétés affiliées en Chine, en Inde et aux Émirats arabes unis.

●  L’Iran a réagi aux menaces et aux sanctions de Trump, les qualifiant de « tentatives ratées » qui ne forceraient pas le pays à se soumettre.

●  Trump a exprimé sa réticence à signer le décret de sanctions, affirmant qu’il était « malheureux » de le faire, mais qu’il n’avait pas le choix.

●  Il a par la suite nié que les États-Unis planifiaient une frappe militaire contre l’Iran, qualifiant ces déclarations de « grandement exagérées ».

●  Les tensions restent vives, alors que l’Iran menace de riposter et que les puissances mondiales surveillent de près les risques d’escalade.


Dans un geste sans précédent, le président Trump a ordonné à l’armée étasunienne « d’anéantir » l’Iran s’il était assassiné, liant ainsi les représailles militaires étasuniennes directement à sa sécurité personnelle. Ce geste suscite des inquiétudes quant à l’escalade des tensions entre Washington et Téhéran. La menace est survenue alors que Trump signait un décret imposant de nouvelles sanctions économiques strictes à l’encontre de l’Iran, relançant sa précédente campagne de « pression maximale » contre le pays, tout en laissant miroiter la possibilité d’une négociation en vue d’un nouvel accord nucléaire.

Depuis la Maison-Blanche, M. Trump a adressé à Téhéran l’avertissement le plus direct qu’il ait jamais lancé : « S’ils faisaient cela [l’assassiner], ils seraient anéantis. Ce serait la fin. J’ai laissé des instructions à cette fin. S’ils passent à l’acte, ils seront anéantis. Il n’y aura plus rien, et ils ne devraient pas être en mesure de le faire. Et Biden aurait dû le dire, mais il ne l’a jamais fait. Je ne sais pas pourquoi. Un manque d’intelligence, peut-être ».

Le décret rétablit les principales sanctions qui avaient été levées en vertu d’accords antérieurs, ciblant les exportations de pétrole de l’Iran, les institutions financières et les entreprises étrangères affiliées. L’administration a justifié cette décision en citant les ambitions nucléaires de l’Iran et les menaces continuelles contre Donald Trump et d’anciens responsables, en particulier les personnes qui ont été impliquées dans l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani en 2020.

L’avertissement militaire explicite de Trump marque une nouvelle escalade dans les relations entre les États-Unis et l’Iran, car aucun autre président étasunien n’a publiquement lié sa sécurité personnelle à une riposte militaire nationale.

L’Iran a longtemps promis de riposter à la frappe de drone étasunien qui a tué Soleimani, le commandant de la Force Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique, en janvier 2020. Le ministère de la Justice avait précédemment inculpé le ressortissant afghan Farhad Shakeri, soupçonné d’avoir conspiré avec l’Iran en vue d’assassiner Trump avant les élections de 2024. Les autorités étasuniennes pensent que Shakeri est toujours libre comme l’air en Iran.

Dans le cadre du meurtre de Soleimani, l’Iran a porté des accusations criminelles à l’encontre de Donald Trump, mais aussi de l’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo et de l’ancien commandant du U.S. Central Command ou CENTCOM (Commandement central des États-Unis), Kenneth McKenzie.

Malgré ces menaces, les propos de Trump ont été largement qualifiés d’imprudents. En effet, les expert·e·s en politique étrangère estiment que le fait de lier une action militaire à des menaces personnelles crée un dangereux précédent. L’Iran a rejeté les commentaires de Trump; le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, qualifie cette politique de « tentative ratée » et déclare que l’imposition de nouvelles sanctions « se solderait par un échec », comme ce fut le cas lors du premier mandat de Trump.

Au moment de rétablir les sanctions économiques à l’encontre de l’Iran, le président Trump a précisé que cette décision faisait partie de sa stratégie pour freiner les ambitions nucléaires de ce pays et exercer une pression économique sur les responsables à Téhéran.

Les nouvelles sanctions visent :

●  La compagnie maritime de pétrole iranienne, Sepehr Energy;
●  Les personnes et les entreprises affiliées en Chine, en Inde et aux Émirats arabes unis;
●  Les institutions financières iraniennes accusées de financer le programme nucléaire du pays.

Le département du Trésor a annoncé ces mesures dans le cadre d’une campagne plus large visant à « réduire à zéro les exportations de pétrole iraniennes ». L’administration affirme que les revenus pétroliers de l’Iran contribuent à financer ses activités nucléaires et ses opérations militaires régionales.

En exprimant sa réticence à l’égard de sa propre décision relative aux sanctions, les déclarations de M. Trump ont été particulièrement contradictoires. En signant l’ordre, il a déclaré : « Je vais le signer, mais j’espère que nous ne serons pas obligés d’y avoir recours trop souvent ».

« Nous verrons si nous pouvons ou non conclure un accord avec l’Iran et si tout le monde peut vivre ensemble, et peut-être que c’est possible ou peut-être que non. Donc je signe ça, et je suis mécontent d’avoir à le faire, mais je n’ai pas vraiment le choix, car nous devons être forts et fermes. »

Ces messages contradictoires suggèrent que Trump envisage une action diplomatique, malgré les mesures économiques sévères.

L’Iran a rejeté les menaces de Trump et a qualifié les sanctions d’inefficaces, affirmant que la pression économique ne les forcera pas à se soumettre. Le président iranien Massoud Pezeshkian a qualifié l’Iran de « pays puissant et riche en ressources » qui a survécu à des décennies de sanctions étasuniennes et continuera de résister aux pressions économiques étrangères.

Les responsables iraniens ont également exprimé des inquiétudes quant au rôle d’Israël dans l’élaboration de la politique étasunienne. Ils font référence en particulier à la rencontre de Trump avec le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, où les deux dirigeants ont réaffirmé leur engagement à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. L’Iran a prévenu que toute action militaire israélienne provoquerait une forte riposte, ce qui aggraverait encore les tensions dans la région.

Bien qu’il ait, à nouveau, imposé des sanctions et menacé d’intervenir militairement, Trump a laissé la porte ouverte à des négociations, laissant entendre qu’il pourrait chercher à conclure un nouvel accord nucléaire avec l’Iran.

Donald Trump, dans une de ses publications sur Truth Social, a démenti les rumeurs d’une frappe militaire étasunienne imminente contre l’Iran : « Je veux que l’Iran devienne un grand pays prospère, mais sans l’arme nucléaire. Les rapports selon lesquels les États-Unis de concert avec Israël feraient exploser l’Iran en mille miettes SONT GRANDEMENT EXAGÉRÉS. »

Cela contredit l’approche agressive de son administration, car la politique étrangère de Trump reste imprévisible, oscillant entre une pression économique maximale et une éventuelle démarche diplomatique.

La menace militaire directe de M. Trump augmente les risques de représailles potentielles de la part de l’Iran ou de ses forces supplétives en Irak, en Syrie et au Liban. Si l’Iran devait agir contre un·e responsable étasunien, la riposte déjà établie par Trump pourrait immédiatement déclencher un conflit à grande échelle.

On craint également que les sanctions et les menaces de Trump ne provoquent une plus grande instabilité, car l’Iran pourrait réagir de différentes façons :

●  En menaçant de bloquer le détroit d’Ormuz par lequel transitent 20 % des approvisionnements mondiaux en pétrole;
●  En augmentant les cyberattaques contre les infrastructures étasuniennes;
●  En lançant des attaques par procuration contre les forces étasuniennes au Moyen-Orient.

La réaction mondiale à la posture agressive de Trump est mitigée. Face à l’escalade, les alliés européens ont exprimé leur inquiétude, tandis que la Chine et l’Inde, deux grands acheteurs de pétrole iranien, pourraient résister aux sanctions étasuniennes, ce qui affaiblirait l’influence de Washington.

La menace de Trump « d’anéantir » l’Iran marque une escalade sans précédent, liant les représailles militaires à sa sécurité personnelle plutôt qu’à la sécurité nationale. Le rétablissement des sanctions relance sa précédente campagne de « pression maximale », même s’il signale un intérêt possible pour un nouvel accord nucléaire.

Maintenant une posture combative, l’Iran rejette les pressions économiques exercées par les États-Unis et les met en garde contre un conflit potentiel en cas de provocation. Le risque d’erreur de calcul, de représailles ou de guerre pure et simple s’est accru, alors que les États-Unis, Israël et l’Iran sont engagés dans une impasse géopolitique aux enjeux considérables.

Alors que l’administration Trump va de l’avant avec un mélange de menaces, de sanctions et d’une démarche diplomatique potentielle, l’avenir des relations entre les États-Unis et l’Iran reste profondément incertain.