Un appel à la conscience de ceux qui bombarderaient l’Iran

par Ann Wright, colonel (à la retraite) de l’Armée de réserve des États-Unis*
Publié le mardi, 13 février 2007George W. Bush repart en guerre.  Nous pouvons le voir dans la rhétorique du gouvernement Bush à propos du programme nucléaire iranien.  Nous pouvons le voir dans les commentaires de ce même gouvernement à propos du rôle qu’il prête à l’Iran quant à l’entraînement et à l’équipement des Irakiens qui combattent les forces américaines, qui ont envahi et occupé ce pays.  Nous le voyons dans les critiques du gouvernement Bush à l’endroit de l’Iran pour sa participation à l’armement et au financement du Hezbollah au Liban.   Nous le voyons dans les directives que le gouvernement Bush  adresse à l’armée étasunienne de détenir des diplomates iraniens en Irak, de fouiller des institutions diplomatiques et de capturer ou de tuer des Iraniens opérant en Irak. Nous le voyons dans le déploiement d’un troisième groupe naval de porte-avions (20 navires de plus) dans le Golfe.

Ces actions indiquent la très forte probabilité d’une attaque militaire étasunienne contre l’Iran au cours du prochain mois.  Le gouvernement Bush tentera d’argumenter que n’importe lequel de ces déclencheurs est à ce point vital pour la sécurité nationale des États-Unis qu’une intervention militaire est nécessaire.

Depuis janvier 2002, le gouvernement Bush considère l’Iran comme l’un des pays composant l’ « Axe du mal ».  L’Iran est maintenant encerclé par l’armée des États-Unis.  Ses voisins ont été envahis et occupés par le gouvernement Bush : l’Irak à l’ouest, et l’Afghanistan à l’est.  Une centaine de navires de la marine étasunienne contrôle l’accès au Golfe Persique par le sud.

L’Iran est un pays doté d’une histoire remarquable : 2 500 ans.  Sa population s’élève à 68 millions de personnes, dont 80 000 souffrent toujours de l’utilisation par l’Irak d’armes chimiques étasuniennes, françaises, allemandes et britanniques (plus de 20 000 ayant aussi été tués sur le coup). Ce fut la plus importante utilisation d’armes de destruction massive depuis le bombardement atomique par les États-Unis de deux villes japonaises à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.  La superficie de l’Iran est par trois fois supérieure à celle de l’Irak. Son armée nombreuse n’a pas été amoindrie par 12 années de sanctions.  Son infrastructure est moderne. L’Iran est doté d’une démocratie dans laquelle, dit-on, il ne manquerait que 10 votes au sein du parlement pour destituer le président du pays, jugé trop abrasif.

À moins que l’on ne fasse dérailler la prochaine guerre de Bush, des pilotes de l’aviation et de la marine étasuniennes vont recevoir l’ordre de lâcher des bombes « intelligentes » capables de détruire des bunkers sur les installations du programme nucléaire iranien.  Des opérateurs de missiles sur des sous-marins et des navires de la marine étasunienne recevront l’ordre d’appuyer sur les boutons qui relâcheront des missiles de croisière, d’une valeur d’un million de dollars chacun, qui démoliront les installations nucléaires et militaires iraniennes.  L’armée déclarera des dommages collatéraux limités, mais, comme dans toute intervention militaire, plusieurs civils innocents seront sûrement tués par ces attaques.

Plusieurs personnes au sein du gouvernement Bush croient à la vertu du châtiment.  Durant la période de 444 jours allant du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981, 52 diplomates étasuniens ont été détenus par des gardes révolutionnaires iraniens.  Au cours de la mission de sauvetage ratée du 25 avril 1980, 8 membres du personnel militaire étasunien furent tués.  À ceux qui, au sein du gouvernement Bush, croient au principe du châtiment, on devrait rappeler qu’en 1988, un avion de ligne iranien fut abattu par un missile de la marine étasunienne. Un total de 290 passagers civils furent tués.  La prise d’otages et de l’ambassade étasunienne en 1979 a été plus que vengée.

Si l’armée étasunienne bombarde des installations iraniennes, cela entraînera un nouveau cycle de violence.  Si les États-Unis attaquent l’Iran, ce dernier a, en vertu du droit international, le droit de se défendre des actions agressives d’un autre pays. Le monde surveillera attentivement pour voir si les États-Unis provoqueront un incident ne laissant d’autre choix à l’armée iranienne que de répliquer.  Le Golfe est rempli de navires militaires étasuniens qui pourraient, par les actions posées par le gouvernement Bush, devenir des cibles légitimes.

Pendant que nous parlons d’histoire et d’agression, mentionnons qu’après la Deuxième Guerre Mondiale, les États-Unis ont exécuté des officiers allemands et japonais reconnus coupable de crime contre la paix (guerres d’agression) et de violations des Conventions de Genève et des Principes de Nuremberg.

Les Principes de Nuremberg permettent d’établir les responsabilités en ce qui concerne les crimes de guerre commis par des officiels militaires ou civils.

Le Principe 4 dit : « Le fait d’avoir agi sur l’ordre de son gouvernement ou celui d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas la responsabilité de l’auteur en droit international, s’il a eu moralement la faculté de choisir ».

Le Principe 6 dit : « Les crimes énumérés ci-après sont punis en tant que crimes de droit international.

a. Crimes contre la paix: (i) Projeter, préparer, déclencher ou poursuivre une guerre d’agression ou une guerre faite en violation de traités, accords et engagements internationaux; (ii) Participer à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes mentionnés à l’alinéa i.

b. Crimes de guerre: Les violations des lois et coutumes de la guerre qui comprennent, sans y être limitées, les assassinats, les mauvais traitements ou la déportation pour les travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction perverse des villes ou villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires.

c. Crimes contre l’humanité: L’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions sont commis à la suite d’un crime contre la paix ou d’un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes. »

Une attaque contre l’Iran constituera un crime contre la paix, un crime de guerre.  Ceux qui mèneront ces interventions militaires violeront les Principes de Nuremberg, les Conventions de Genève et les lois de la guerre terrestre. Une poursuite pour crimes de guerre est possible.

J’en appelle à la conscience des pilotes de l’aviation et de la marine étasuniennes, à la conscience du personnel militaire qui contrôle les missiles de croisières et les bombardiers et à la conscience de ceux qui planifient les missions des pilotes et des responsables de missiles.  Je leur demande de refuser des ordres d’attaquer l’Iran, qui seront illégaux selon moi.

Dans le cadre du nouveau Congrès, il devient finalement possible de tenir les gens responsables de leurs actions.  Alors que le refus de larguer des bombes pourrait initialement entraîner une punition et la fin de la carrière militaire d’une personne, il permettra à ceux qui refusent de sauver leur âme, leur conscience et empêchera qu’une nouvelle action criminelle soit commise au nom de notre pays par le gouvernement Bush.

Un rappel : Ceux qui sont nommés officiers font le serment de d’appuyer et de défendre la Constitution des États-Unis contre tous les ennemis, externes et internes. En aucun cas s’agit-il d’un serment fait à une personne ou à un parti politique en particulier.

* Ann Wright a pris sa retraite de l’armée de réserve des États-Unis, en tant que colonel, après 29 ans.  Madame Wright a servi dans les pays suivants : Grenade, Panama, Grèce, Pays-Bas, Somalie, Ouzbékistan, Kyrgystan, Sierra Leone, Micronésie et Mongolie.  Elle a fait partie de la petite équipe qui a réouvert l’ambassade des États-Unis à Kaboul, Afghanistan, en décembre 2001.  En mars 2003, elle a démissionné du corps diplomatique des États-Unis en raison de son opposition à la guerre contre l’Irak.