Amnistie condamne la violence « choquante » de l’armée israélienne contre des civils en Cisjordanie (traduction)

Amnistie condamne la violence « choquante » de larmée israélienne contre des civils en Cisjordanie

Par Julia Conley, Common Dreams, 5 février 2024
Texte original en anglais — [Traduction : Dominique Lemoine; révision : Marcel Duhaime]

« Ces homicides illégaux piétinent le droit international relatif aux droits humains », a affirmé le groupe de défense des droits.

Amnistie condamne la violence « choquante » de l’armée israélienne contre des civils en Cisjordanie, Common Dreams, 5 février 2024

Bien que les autorités israéliennes continuent de prétendre, malgré toutes les preuves du contraire, que les Forces de défense d’Israël (FDI) ne ciblent que le Hamas avec leurs bombardements sur la Palestine occupée, un nouveau rapport d’Amnistie internationale, rendu public lundi (le 5 février), détaille l’ampleur et la fréquence de l’utilisation par l’armée de la force létale contre des civil.e.s à travers la Cisjordanie, en plus des plus de 27 000 personnes qu’elle a tuées à Gaza.

Demandant une enquête pour de possibles crimes de guerre, le groupe a affirmé avoir analysé quatre cas lors desquels les FDI ont utilisé une « force meurtrière illégale » contre des personnes en Cisjordanie occupée et ont empêché des professionnel.le.s médicaux d’atteindre des résident.e.s blessés. Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnistie a examiné 19 vidéos et quatre photographies de ces incidents.

Les événements documentés dans le rapport expliquent les décès de 20 Palestinien.ne.s, dont sept enfants. Depuis le 7 octobre, quand les FDI ont commencé à attaquer la Cisjordanie et Gaza en représailles  à l’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël, au moins 360 personnes ont été tuées par les forces israéliennes en Cisjordanie, dont 94 enfants, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations Unies.

Erika Guevara-Rosas, directrice globale de la recherche, du plaidoyer et des politiques pour Amnistie, a affirmé que l’augmentation des attaques mortelles illégales en Cisjordanie a été  perpétrée  « sous le couvert des bombardements incessants et des crimes atroces à Gaza ».

« Ces homicides illégaux constituent une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains et sont commis en toute impunité dans le contexte du maintien du régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématiques d’Israël sur les Palestinien·ne·s », a déclaré Erika Guevara-Ross. « Ces cas fournissent la preuve flagrante des conséquences mortelles de l’usage illégal de la force par Israël contre les Palestinien·ne·s en Cisjordanie. Les autorités israéliennes, y compris le système judiciaire, se sont montrées honteusement réticentes à rendre justice aux victimes palestiniennes. »

Le rapport a été rendu public quelques jours après qu’une équipe des forces israéliennes se soit déguisée en personnel médical et en civils pour attaquer l’hôpital Ibn Sina à Jénine, Cisjordanie, tuant trois Palestiniens qu’elle prétendait, sans preuve, planifier une attaque contre Israël.

Le BCAH a constaté une forte augmentation « des opérations de perquisition et d’arrestation » par les FDI en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, et que 54 % des 4 382 Palestinien.ne.s blessés durant l’assaut d’Israël ont subi leurs blessures durant des rafles.

Dans les premiers jours de l’offensive israélienne, 13 personnes, dont six enfants, ont été tuées durant une descente contre le camp de réfugié.e.s Nour Shams à Tulkarem, qui a commencé le 19 octobre et qui a duré 30 heures. Des soldats des Forces de défense d’Israël « ont pris d’assaut plus de 40 habitations, détruisant des biens personnels et perçant des trous dans les murs pour y poster des tireurs d’élite » durant l’opération, dont Israël a dit qu’elle était en réponse à un engin explosif improvisé lancé sur la police frontalière par des Palestiniens.

Les autorités israéliennes ont coupé l’eau et l’électricité dans le camp et elles ont utilisé des bulldozers pour détruire des infrastructures, tout en empêchant au moins deux ambulances d’atteindre des personnes blessées.

L’une des personnes tuées dans le raid était Taha Mahamid, âgé de 15 ans, « qui n’était pas armé et qui ne représentait pas de menace pour les soldats au moment où il a été abattu, d’après des témoins oculaires et les vidéos examinées par Amnistie internationale ».

« Ils ne lui ont laissé aucune chance. En un instant, mon frère a été éliminé », a déclaré Fatima Mahamid, la sœur de la victime. « Ils ont tiré trois balles sans aucune pitié. La première l’a touché à la jambe. La deuxième au ventre. La troisième, à l’œil. Il n’y a pas eu d’affrontements… pas de conflit. »

Quand le père de l’enfant, Ibrahim Mahamid, a essayé de porter son fils blessé hors des lignes de tir, les FDI lui ont tiré une balle dans le dos, qui a endommagé ses organes internes.

« Ni Taha ni Ibrahim Mahamid ne représentaient une menace pour les forces de sécurité ou pour toute autre personne au moment où ils se sont fait tirer dessus », a affirmé Amnistie. « Cet usage injustifié de la force létale doit faire l’objet d’une enquête en tant que possibles crimes de guerre, à savoir le fait de commettre intentionnellement un homicide et le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé. »

Au sujet d’un autre incident « choquant » en octobre à Tulkarem, deux témoins oculaires questionnés par Amnistie ont rapporté que des forces israéliennes ont ouvert le feu depuis une tour sur une foule de 80 personnes qui manifestaient pacifiquement en solidarité avec Gaza.

Les soldats des FDI ont ouvert le feu sur des journalistes qui portaient sur eux le mot « Presse » de manière clairement visible, ainsi que sur un homme palestinien qui circulait à vélo hors de la manifestation.

En menant de telles attaques, a affirmé Amnistie, Israël viole les normes internationales incluant les principes de base des Nations Unies sur l’utilisation de la force et d’armes à feu par les responsables de l’application des lois.

« Ces normes interdisent aux responsables de l’application des lois de recourir à la force sauf lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions, et énoncent que les armes à feu ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours – dans des situations où cela est absolument nécessaire pour que des militaires ou des policiers se protègent ou protègent autrui contre un risque imminent de mort ou de blessure grave », a affirmé Amnistie. « Les homicides intentionnels de personnes protégées et les actes causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique de personnes protégées constituent de graves violations de la Quatrième Convention de Genève et des crimes de guerre ».

Mme Guevara-Rosas a affirmé que les incidents documentés dans le rapport, ainsi que les assauts israéliens en Cisjordanie et à Gaza dans leur ensemble, sont « un test décisif pour la légitimité et la réputation » de la Cour pénale internationale, responsable des poursuites pour les crimes de guerre, et qu’elle « ne peut se permettre d’échouer ce test ».

« Dans ce climat d’impunité quasi totale, il importe qu’un système de justice internationale digne de ce nom intervienne », a affirmé Mme Guevara-Rosas. « Le procureur de la Cour pénale internationale doit enquêter sur ces homicides et blessures en tant que possibles crimes de guerre, à savoir l’homicide volontaire et le fait de causer délibérément de grandes souffrances ou des blessures graves ».

Julia Conley est rédactrice pour Common Dreams.