La guerre au Yémen touche-t-elle à sa fin? (Traduction)

La guerre au Yémen touche-t-elle à sa fin?

Par Shireen Al-Adeimi, In These Times, 13 avril 2023

Texte original en anglais – [Traduction et révision : Échec à la guerre]

« [On n’a jamais été] aussi près, au Yémen, d’un progrès réel vers une paix durable. »

Une délégation de l’Arabie saoudite est arrivée à Sanaa, la capitale du Yémen, aux côtés de négociateurs d’Oman, avec l’objectif de trouver une solution à la guerre qui s’éternise au Yémen. Il s’agit d’un tournant majeur dans un conflit qui a débuté il y a plus de huit ans et qui se caractérise par une impasse entre les Houthis du Yémen et une coalition de forces anti-Houthis soutenue et dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU).

Cette tournure des événements, sans doute inattendue – et surprenante compte tenu de la guerre que l’Arabie saoudite mène depuis des années contre un groupe qu’elle qualifie de « rebelles alliés à l’Iran » – est le résultat de pourparlers entamés au début de 2022 entre le gouvernement saoudien et le gouvernement du Yémen à Sanaa, dirigé par Ansar Allah, également connu sous le nom de Houthis. En pratique, les Houthis gouvernent une grande partie du nord du Yémen depuis huit ans.

On n’a jamais été « aussi près, au Yémen, d’un progrès réel vers une paix durable », a déclaré Hans Grundberg, l’envoyé des Nations unies au Yémen, à l’Associated Press plus tôt ce mois-ci. M. Grundberg a exhorté les deux parties à « entamer un processus politique inclusif sous les auspices des Nations Unies afin de mettre définitivement fin au conflit ».

Bien que les termes d’un accord n’aient pas encore été rendus publics, ce moment témoigne du sérieux des pourparlers et de la probabilité d’un accord politique durable entre les parties belligérantes, après des années d’une guerre asymétrique au cours de laquelle des centaines de milliers de Yéménites ont été tués, des millions d’autres ont été affamés et le Yémen a été pratiquement laissé en ruines.

Guerre et famine

Dans le sillage du printemps arabe de 2011, des manifestations pacifiques ont débuté à travers le pays au Yémen et ont finalement abouti au transfert du pouvoir du dictateur de longue date, le président Ali Abdullah Saleh, à son vice-président de l’époque, Abd Rabbu Mansour Hadi, en 2011.

Au cours des années suivantes, Hadi s’est accroché au pouvoir après avoir échoué à répondre aux demandes des différentes factions du pays. Pendant ce temps, Ansar Allah s’est hissé au pouvoir à la suite de manifestations contre la réduction par le gouvernement des subventions aux carburants. Puis, il s’est éventuellement emparé de la capitale Sanaa fin 2014 et a contraint Hadi à l’assignation à résidence.

Malgré ces événements tumultueux, un règlement négocié par l’ONU a été conclu entre Hadi, les Houthis et d’autres factions, mais ce règlement a déraillé. Peu après que le nouveau roi saoudien eut nommé son fils, Mohammed bin Salman, prince héritier adjoint et ministre de la défense début 2015, l’Arabie saoudite a réuni une coalition de plusieurs pays voisins et, avec le soutien de l’Occident – principalement de l’administration Obama – a lancé des frappes aériennes contre les Houthis et a imposé un blocus naval visant la nourriture, les médicaments, le carburant et d’autres fournitures essentielles dans le but de rétablir Hadi en tant que principal chef du gouvernement. Cette décision a été ratifiée par la résolution 2216 de l’ONU, qui a couvert ces attaques et l’imposition du blocus sous le couvert d’un « embargo sur les armes ».

Pendant ce temps, Hadi s’est enfui à Riyad et a continué à bénéficier du soutien saoudien pendant des années, tandis que les Émirats arabes unis ont formé et financé le Conseil transitoire du Sud (CTS), un groupe séparatiste dont les objectifs déclarés sont de se séparer de l’union yéménite.

Malgré le soutien militaire entier des États-Unis et d’autres alliés, notamment en matière de vente d’armes, de renseignement, de logistique, de formation, de soutien au ciblage et, jusqu’à la fin 2018, de ravitaillement en vol, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite n’a pas réussi à prendre aux Houthis la région la plus peuplée du Yémen. Les Houthis, quant à eux, ont uni leurs forces à celles de leur ennemi de longue date, l’ancien président Saleh, et ont formé un gouvernement et une résistance armée à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite.

Même après leur scission et l’assassinat de Saleh en décembre 2017, après qu’il soit passé du côté de la coalition saoudienne, les Houthis ont continué à contrôler une grande partie du Nord-Yémen d’avant l’unification de 1990, où réside 70 à 80 % de la population. Toutefois, les tentatives des Houthis de s’emparer de Marib, une province clé riche en pétrole et en gaz, ont échoué.

Alors que les combats se poursuivaient et que le blocus sur le Yémen se renforçait, la population yéménite a vu son économie s’effondrer et ses systèmes de santé être détruits. Cette situation a mené à des éclosions de maladies telles que le choléra et la diphtérie, a réduit de 50 % le nombre d’établissements de santé fonctionnels et a laissé plus de 80 % des Yéménites dans l’incapacité de se procurer de la nourriture, de l’eau et des médicaments. Avec plus de 17 millions de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire en 2022, les Nations Unies ont averti que les conditions « catastrophiques » et « proches de la famine » risquaient d’être multipliées par cinq pour les personnes les plus vulnérables.

Les pourparlers antérieurs

Début 2022, après une série d’attaques menées par l’Arabie saoudite qui ont tué au moins 80 civils et coupé l’internet du Yémen pendant quatre jours, et des attaques des Houthis qui ont atteint une installation pétrolière à Djeddah et une installation de stockage à Abou Dhabi, les parties belligérantes ont entamé des pourparlers sur le cessez-le-feu à Oman.

Bien qu’il ne s’agisse pas de la première paix – un accord de cessez-le-feu avait été conclu en avril 2022 et prolongé à deux reprises jusqu’en octobre de la même année – ces pourparlers ont mis un terme aux frappes aériennes soutenues par les États-Unis pour la première fois depuis mars 2015.

Malgré l’insistance des États-Unis et de l’Arabie saoudite sur le fait que cette guerre était menée au nom de Hadi, le chef de gouvernement « légitime » du Yémen, celui-ci était pratiquement impuissant et demeurait à Riyad depuis qu’il avait quitté le Yémen en 2015. Cette façade s’est effondrée lorsque les gouvernements saoudien et émirati ont mis Hadi de côté et l’ont remplacé par un conseil de huit hommes, tous soutenus par l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis. Alors que le Conseil a été formé pour unifier les groupes anti-Houthis, étant donné que la plupart d’entre eux avaient déjà mené des batailles contre les Houthis, leurs intérêts contradictoires ont rapidement conduit à des luttes intestines, en particulier à Shabwa où les forces du CTS soutenues par les EAU ont combattu les forces de l’Islah soutenues par l’Arabie saoudite.

Et maintenant la paix ?

Au cours de l’année qui s’est écoulée depuis le premier cessez-le-feu conclu en 2022, les combats sur le terrain se sont poursuivis dans des régions clés du sud, dont Shabwa et al-Mahra. Et lorsque les demandes des Houthis de verser aux fonctionnaires les salaires qu’ils attendent depuis longtemps en utilisant les revenus du pétrole et du gaz n’ont pas été satisfaites, ils ont réagi en attaquant des installations pétrolières pour empêcher l’exportation du pétrole et du gaz.

Cette condition essentielle semble maintenant avoir été satisfaite dans le cadre d’un projet d’accord conclu le mois dernier, et les rapports relatifs à une feuille de route vers la paix font état du versement des salaires des employé.e.s du gouvernement à même les revenus du gaz et du pétrole, en échange de quoi les Houthis permettront que les exportations puissent se faire.

Mais pour parvenir à un accord de paix durable, la souveraineté du Yémen doit être restaurée et le blocus doit être entièrement levé. Si les pourparlers avec l’Arabie saoudite constituent une première étape importante en vue d’alléger les souffrances des Yéménites, les Émirats arabes unis doivent également renoncer au contrôle de zones stratégiques telles que le détroit de Bab al-Mandab et l’île de Socotra, qu’ils ont occupés et récemment militarisés.

L’échec de la coalition à consolider son pouvoir au sein des groupes belligérants dans le sud du Yémen, qu’ils contrôlent depuis 2015, souligne l’importance de cesser toute intervention étrangère et tout soutien financier aux factions belligérantes. Cela inclut le rôle des États-Unis, qui ont contribué à la poursuite de la guerre au cours des huit dernières années, malgré les efforts législatifs visant à mettre fin à cette implication anticonstitutionnelle.

Si les réunions à Sanaa entre les responsables saoudiens et houthis sont prometteuses pour la paix avec la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, la guerre ne pourra véritablement prendre fin que lorsque tous les Yéménites qui ont combattu dans les deux camps – les Houthis, le Congrès général du peuple de Saleh et de Hadi, le parti Islah, le CTS et d’autres – se rencontreront dans le cadre de pourparlers directs et élaboreront un plan d’action sans le soutien financier et militaire des gouvernements étrangers. Lorsque les interventions étrangères manifestes et secrètes cesseront, le Yémen aura enfin la possibilité de tracer sa propre voie.